Thierry Wolkiewiez

« Se transformer pour inventer demain. »

Directeur général France d’Eiffage Métal, Thierry Wolkiewiez entend bien développer les activités de l’entreprise, leader historique de la construction métallique clés en main, notamment pour les ouvrages d’art. En s’engageant sur des marchés porteurs comme les énergies éoliennes marines, les bâtiments industriels ou encore la réhabilitation, Eiffage Métal mise sur la décarbonation pour améliorer sa compétitivité et répondre aux grands enjeux environnementaux.

Photo : Alexis Toureau

Quel est votre parcours ?

Diplômé de l’École polytechnique et ingénieur des Mines de Paris, j’ai effectué la plus grande partie de ma carrière dans l’industrie pétrolière, parapétrolière et sidérurgique. Un monde plus industriel que celui du groupe Eiffage, mais avec un point commun : l’acier. J’ai en effet travaillé pendant 17 ans chez Vallourec qui fabrique des tubes en acier pour l’industrie pétrolière. J’ai évolué à différents postes managériaux dans des fonctions industrielles, commerciales, de direction d’activités ou bien encore de chef de projet sur des programmes de nouvelles implantations de sites industriels, en particulier au Brésil. J’ai rejoint le Groupe Eiffage il y a deux ans. L’industrie pétrolière ne correspondant plus à mes valeurs, j’ai vu dans ce Groupe et en particulier chez Eiffage Métal – déjà impliqué dans l’éolien offshore par exemple – l’opportunité d’agir sur certaines urgences comme l’impact carbone. Je souhaitais en outre rejoindre un monde de bâtisseurs, de concepteurs. Prendre la direction d’une entité avec une telle histoire et de si belles réalisations est une grande fierté.

Quelles sont vos priorités ?

Eiffage Métal est une entité historique importante pour le Groupe. Mais, depuis une décennie, la société cherche un nouvel équilibre. La baisse de l’activité nous a conduits à une première série d’actions entre 2015 et 2020 en vue d’une rationalisation industrielle, impliquant plusieurs réorganisations. La question s’est alors posée de réorienter la stratégie de l’entreprise pour lui redonner une dynamique de croissance. C’était là tout mon challenge. Nous avons ainsi initié une phase de diagnostic et de réflexion destinée à comprendre les différents et nombreux marchés sur lesquels Eiffage Métal intervenait, que ce soit avec des acteurs publics, privés, dans le bâtiment ou dans différentes industries. Nous avons réalisé des études de marché pour chacun de ces segments de façon à pouvoir identifier nos forces et nos faiblesses. Le constat dressé après trois mois : oui, nous avons des marchés vraiment porteurs et des forces importantes sur lesquelles nous pouvons agir pour être vraiment présents et rentables. Nous avons alors bâti un plan stratégique 2020-2025 afin de redresser progressivement Eiffage Métal et nous y avons associé un plan d’action très large impliquant tous les salariés. Ce plan a été mis en place dès début 2021 et nous sommes toujours dans cette dynamique aujourd’hui. Nos signaux sont au vert et nous sommes sur la bonne trajectoire.

Quels en sont les grands axes ?

Nous travaillons sur une partie commerciale pour aller développer nos marchés ou en chercher de nouveaux, et une partie opérationnelle pour améliorer notre performance, de la prise de commande jusqu’à la livraison des projets. La sécurité s’inscrit également comme une de nos grandes priorités. De même que l’innovation qui correspond bien à l’ADN d’Eiffage Métal et repose sur l’excellence de nos bureaux d’études. Le tout en rapport avec une stratégie bas carbone. Parce que c’est non seulement un devoir pour toutes les entreprises, mais aussi une demande du marché. Le dernier axe est humain et concerne la gestion du changement. Nous avons ainsi réalisé 20 % d’activité supplémentaire, ce qui nécessite des renforts de ressources. Il nous faut donc recruter, accroître les compétences des collaborateurs et favoriser une collaboration plus large entre les équipes.

Quels sont les marchés les plus porteurs ?

L’énergie éolienne marine constitue un énorme vecteur de développement. À travers sa filiale belge Smulders, Eiffage Métal est très impliqué depuis une dizaine d’années sur ce marché porteur. En Europe du Nord et en France pour le parc de Saint-Nazaire avec de l’éolien posé, mais aussi en Méditerranée en ayant recours à une nouvelle technologie, celle de l’éolien flottant. Nous sommes ainsi constructeurs de deux fermes pilotes sur les trois prévues. Nous avons à la fois l’expérience et les technologies, et travaillons actuellement sur leur industrialisation.
Le marché des bâtiments industriels est également un de nos fers de lance. Nous accompagnons en effet de grands acteurs de la réindustrialisation en France sur le marché des semi-conducteurs. Nous apportons notre valeur ajoutée sur la construction de nouvelles salles blanches particulièrement techniques. C’est pour nous un domaine en très forte croissance où nous avons multiplié par trois notre chiffre d’affaires. Le marché de la réhabilitation est aussi très porteur.
De fait, les appels d’offres pour réhabiliter des bâtiments existants sont en hausse, qu’il s’agisse d’édifices patrimoniaux incontournables comme la tour Eiffel, pour laquelle tout notre savoir-faire est mobilisé, ou de bâtiments industriels que les grands acteurs veulent réhabiliter pour les reconvertir plutôt que les détruire. Restent enfin nos marchés « cœur de métier » sur lesquels nous tenons à rester présents : les ouvrages d’art. Nous perdrions notre âme si nous ne faisions plus de ponts métalliques. Il nous faut donc décrocher des marchés référents et d’envergure pour notamment alimenter notre usine de Lauterbourg qui fabrique les éléments pour ces ouvrages. C’est pourquoi nous cherchons des opportunités sur le territoire et en dehors de France, comme en Norvège, pour la construction d’une nouvelle autoroute, ou encore au Royaume-Uni sur un projet de nouvelle ligne TGV.

Quels sont les grands enjeux d’Eiffage Métal ?

La décarbonation est clairement l’un de nos grands enjeux. Mais nous ne pouvons agir seuls, c’est un travail collectif. En partenariat avec nos fournisseurs d’acier, nous cherchons des procédés plus économes pour le fabriquer. En travaillant également sur l’allègement maximal des structures et grâce au savoir-faire de nos bureaux d’études, nous parvenons à réduire de 5 à 15 % le poids des ouvrages. Autant de CO2 économisé.
Le réemploi est, par ailleurs, une préoccupation majeure. Notre objectif vise à réemployer les structures, ce qui implique de les démonter proprement, de les couper, de les stocker et d’utiliser ce stock avec une bonne traçabilité pour les inclure dans la construction d’un nouvel ouvrage. Là encore, il est question de diminuer fortement l’impact carbone de nos ouvrages. Nous préparons les premiers projets pilotes pour appliquer cette méthodologie. Autre enjeu : se développer sur des marchés porteurs et qui font sens, comme les énergies marines renouvelables, de même que sur d’autres types de production d’énergie bas carbone tels l’hydrogène et le recyclage. À cette fin, notre filière dispose de nombreux atouts, dont notamment la création d’un nouveau département proposant des projets clés en main autour du recyclage ou des nouvelles énergies. C’est toute la force du Groupe : au-delà d’Eiffage Métal, nous nous appuyons sur tous les savoir-faire.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Nous vivons une époque troublée et totalement paradoxale avec, d’un côté, des marchés très porteurs, bien orientés et de la demande. Mais en même temps, nous avons subi, coup sur coup, la crise de la Covid, puis des pénuries notamment sur le marché de l’acier. La crise ukrainienne aujourd’hui désorganise beaucoup nos activités et notre approvisionnement, celui de l’acier en particulier. Cette situation de crise et la mutation massive du marché contiennent tout à la fois des dangers et des opportunités. Alors, à nous de capitaliser sur ces menaces pour les changer en atouts. Nous devons nous transformer pour exister demain et être plus forts : nous n’avons pas d’autre choix. C’est le moment de nous réinventer, le marché ne demande que ça. Et à l’intérieur même des organisations, c’est aussi le défi : transformer l’angoisse en énergie positive. Si nous parvenons à mobiliser l’enthousiasme de toutes nos forces vives, nous réussirons !