RESTRUCTURATION LOURDE DE L’IMMEUBLE BERKELEY À LA DÉFENSE

Latitude, entre platitude et altitude

Grâce à la symbiose de leurs savoir-faire respectifs, GCI, Studios Architecture et Bouygues Bâtiment Île-de-France sont parvenus à rendre désirable un immeuble de bureaux construit dans les années 1970 sur un site délaissé des plus ingrats de La Défense !

Premier exemple réussi de mutation des territoires en périphérie des tours, Latitude donne le coup d’envoi de la transformation de la frontière entre La Défense et Courbevoie. Photo : Nicolas Grosmond

DE L’ÉCOINÇON URBAIN…

En 1976, Decaux et Appert achèvent Berkeley. Cet immeuble de bureaux de 19 100 m2 – de huit étages sur quatre niveaux de sous-sol – fait partie de La Défense bien que construit non loin du Cnit, en contrebas de sa dalle sur la commune de Courbevoie. Il investit une parcelle plutôt improbable coincée entre la voie ferrée et un tronçon en superstructure du boulevard circulaire. Occupé par deux niveaux de parkings aériens, l’écoinçon donne sur le carrefour de la Lune, autour duquel se télescopent les tours du quartier d’affaires, à l’ouest, les immeubles collectifs et d’habitation, au sud et à l’est, et un quartier pavillonnaire au nord de la voie ferrée. L’ayant racheté en 2007, la Générale Continentale Investissements (GCI) y obtient, l’année suivante, un permis de construire afin d’y ériger une tour de 60 000 m2, 32 étages, soit 142 m, conçue par Manuelle Gautrand. La tour Ava ne verra pas le jour à la suite d’un recours concomitant à la crise financière des subprimes. En 2015, à l’échéance d’un nouveau bail, le marché de l’immobilier tertiaire a considérablement évolué. Avant même que la pandémie de Covid-19 n’impose par deux fois le télétravail aux entreprises, nombre d’entre elles réfléchissaient déjà à de nouveaux modes d’usage des bureaux. Si la plupart d’entre elles sont en effet connectées au reste du monde via le numérique, peu le sont vraiment à la vie locale des communes les hébergeant, telles des cités du labeur.

… À L’ARCHITECTURE CALÉE

Finie donc la tour… Mais un simple recarrossage de l’édifice, aussi beau soit-il, ne pouvait suffire à l’insérer dans ce quartier en pleine ébullition. Sa rénovation allait devoir « œuvrer » à la requalification urbaine et spatiale du carrefour de la Lune à l’image de la tour Trinity1, son vis-à-vis diagonal, dont les aménagements extérieurs allaient permettre de raccorder avec urbanité la dalle à la ville en contrebas. GCI va se laisser séduire par l’ambitieux projet du cabinet franco-américain Studios Architecture proposant une tour verticale, véritable repère urbain relevant le challenge de se fondre aux infrastructures existantes au point de parvenir à les faire oublier ! Pas de surélévation, mais une extension offrant 2 500 m2 de bureaux supplémentaires en proue de l’opération que complètent un ERP, un atrium et un lobby magnifié en lieu et place des deux niveaux de stationnement aérien implantés sous le circulaire à l’arrière de sa culée.

Une extension offrant 2 500 m2 de bureaux supplémentaires. Photo : Nicolas Grosmond
Une rénovation qui « œuvre » à la requalification urbaine et spatiale du carrefour de la Lune. Photo : Arthur Weidmann
Une écriture horizontale, tout en courbes. Photo : Arthur Weidmann
L’ancien immeuble de bureaux Berkeley, entre la voie ferrée et un tronçon en superstructure du boulevard circulaire.
Pour Latitude, les architectes ont imaginé une façade ondulée sur laquelle des rubans dessinent un flux dynamique, écho aux mouvements environnants, apportant une dimension organique à ce cadre très urbain.

REPRISES EN SOUS-ŒUVRE

Pour y parvenir, l’ingéniosité relevait de l’ingénierie. Et jamais synergie entre le maître d’œuvre et les ingénieurs de Bouygues Bâtiment Île-de-France n’a été aussi parfaite, ces derniers allant jusqu’à négocier avec les services techniques de la SNCF, de la Ville et du Département quant au circulaire. Sous ce dernier, le doublement de la poutraison béton par des poutres en acier reprises par des consoles métalliques a non seulement permis la suppression quasi totale du niveau intermédiaire de parking, mais aussi de remonter de 80 cm les linteaux en façade sur ville pour un ERP et un lobby de 5 m sous plafond et de 4,40 m sous poutres. Des reprises structurelles ont été également nécessaires pour redonner à l’ensemble du lobby sa double hauteur lui conférant ses allures « d’avenue intérieure » sur laquelle se connectent cinq espaces différents de restauration. Le plus vaste d’entre eux prend place dans un impressionnant atrium sous triple hauteur créé entre le circulaire et le prospect côté voie ferrée. Son élégante charpente en acier prend appui sur une immense poutre-paroi en béton doublant sans contact la superstructure du circulaire. De l’autre côté de celui-ci, un généreux et sinueux auvent couvrant le nouveau hall principal de l’opération est ceint d’une poutre de rive creuse, reposant sur un seul poteau intermédiaire, qui reprend les poutrelles supportant la couverture vitrée. Enfin, l’ossature secondaire de la double peau vitrée garantissant le confort acoustique de l’immeuble rend possible la fixation des rubans tridimensionnels en composite issu de la construction navale, parcourant dynamiquement les façades.

Sur le secteur de Courbevoie, en bordure du boulevard circulaire, l’ancien immeuble de huit étages et ses façades composées de panneaux préfabriqués en béton, typiques de bon nombre d’immeubles des années 1970.
L’immeuble symbolise le trait d’union avec la ville de Courbevoie et se démarque dans un paysage minéral où domine la verticalité. Photo : Nicolas Grosmond
Photo : Axel Dahl
La conception de l’immeuble de bureaux nouvelle génération, baigné de lumière, intègre une réflexion profonde sur les nouveaux usages du bâtiment tertiaire. Photo : Axel Dahl
Photo : Arthur Weidmann
  • Maître d’ouvrage : GCI
  • Maître d’œuvre : Studios Architecture
  • BET et entreprise générale : Bouygues Bâtiment Île-de-France