LA PEINTURE

Protéger, pérenniser et sublimer l’architecture métallique

La réalisation d’un ouvrage métallique s’accompagne toujours d’une technique performante de protection durable de sa structure, de ses parements de façade et de sa toiture. Ces éléments d’acier doivent en effet être impérativement protégés de la corrosion par des traitements et revêtements appropriés, notamment s’ils sont placés à l’extérieur. Que ce soit pour un bâtiment neuf ou pour une construction ancienne, cette protection, destinée à les préserver à long terme, est l’occasion pour les architectes de s’exprimer librement, en y intégrant des textures et/ou des couleurs permettant à la fois de les valoriser et de les magnifier.

Mieux vaut le savoir, toute construction métallique a une durée de vie presque illimitée si elle est bien conçue et correctement protégée et entretenue. L’acier demeure le matériau qui résiste le mieux aux sollicitations naturelles de type tempête, séisme, incendie ou attaque de parasites… Cependant, le degré de protection envisagé requiert une évaluation précise des conditions d’exposition aux agents atmosphériques et aux intempéries, ou à la corrosion chimique, d’un bâtiment implanté sur un site particulier. Aujourd’hui, la prise en compte des données environnementales d’un projet permet de définir avec précision les solutions de protection adéquates à appliquer sur l’édifice, tout en anticipant l’entretien à venir pour assurer sa pérennité. Ces techniques de pointe en constante évolution sont la promesse de possibilités créatives et esthétiques infinies qui s’offrent aux architectes et aux designers en quête d’innovations stimulant leur imagination…

PROTECTION ANTICORROSION DURABLE

Les charpentes, façades et toits en acier doivent être protégés de la corrosion à l’aide de traitements ou de revêtements appropriés, surtout lorsqu’ils se trouvent à l’extérieur. La technique classique de la mise en peinture permet en effet d’isoler l’acier de l’effet oxydant de l’humidité. Les peintures offrent un panel de solutions étendues et adaptées à chaque besoin : de l’antirouille pour les particuliers au système de peinture anticorrosion composé d’une à plusieurs couches de peinture pour des performances renforcées en génie civil. Les systèmes les plus courants sont généralement formés de trois couches de peinture. La première, appelée primaire, apporte la protection anticorrosion au support métallique ; la deuxième a pour fonction de renforcer la couche précédente en ajoutant un effet barrière ; enfin, la dernière couche de peinture, appelée finition, possède une résistance accrue aux conditions extérieures et confère à l’ouvrage son esthétique générale. Les peintures anticorrosion sont également utilisées pour couvrir l’acier galvanisé et l’acier métallisé dans le but de les protéger et de leur donner un aspect coloré. Pour que cette protection soit efficace, la préparation préalable des surfaces est primordiale afin que, d’une part, le support à peindre soit propre et exempt d’éléments corrosifs et, d’autre part, qu’après un décapage par projection d’abrasif, le revêtement puisse adhérer. Dans une volonté de développement durable, les fabricants de peinture travaillent depuis de nombreuses années à améliorer les formulations pour rendre les peintures non seulement plus performantes, mais aussi plus « vertes ». Ceci se traduit par des peintures bicomposantes à haut extrait sec ou en phase aqueuse, donc avec moins, voire pas de COV, et par des systèmes de peinture avec une très haute durabilité pour réduire la fréquence de maintenance des ouvrages.

EN AVANT LA COULEUR !

En un siècle, la qualité des aciers s’est nettement améliorée, tout comme les techniques mises en œuvre garantissant une protection efficace du matériau face aux diverses agressions auxquelles il est soumis. Parmi les procédés fiables protégeant l’acier de la corrosion, la peinture reste d’actualité pour ses qualités de durabilité, sa souplesse d’exécution, son entretien maîtrisé et son esthétique, les deux techniques se résumant à des peintures liquides et en poudre. La peinture en poudre, requérant une cuisson au four après application, est uniquement appliquée en atelier généralement lors d’un process industriel de thermolaquage, plutôt rare et onéreux. Réalisé sur des produits finis et déjà mis en forme, il donne libre cours à de nouvelles couleurs et textures, dont sont friands les concepteurs. La peinture liquide, qui peut être appliquée en atelier ou sur le chantier, offre une grande souplesse d’utilisation et elle est adaptée aux différents composants métalliques d’un édifice. Technique de loin la plus usitée, la peinture concerne un grand nombre d’édifices neufs ou réhabilités. Les aéroports, vitrines architecturales des pays, sont dotés de structures en acier innovantes, peintes et mises en valeur. En 2006, la greffe du terminal T4 sur l’aéroport de Madrid-Barajas, en Espagne, réalisée par l’architecte britannique Richard Rogers, a permis de doubler sa capacité. Lovée sous un toit ondulant paré de bambou, sa charpente en acier sophistiquée compte des poteaux inclinés en forme de Y peints aux couleurs de l’arc-en-ciel (jaune, bleu, vert…) qui rythment les espaces. Deux ans après, c’est au tour de l’aéroport international de Pékin, en Chine, de s’équiper d’un terminal T3 conçu par l’architecte anglais Norman Foster. La charpente en acier visible présente des éléments verticaux tridimensionnels peints selon un camaïeu acidulé de rouge, d’orange et de jaune, contrastant avec le gris ambiant. Bien avant, le musée d’art moderne du centre Pompidou, érigé en 1977 par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, à Paris, fit un coup d’éclat, avec son ossature d’acier laqué blanc à portiques contreventés, laissés apparents. La couleur est omniprésente, avec les sous-faces de la chenille escalator rouges et les gaines bleues. Cette variété de couleurs et de textures des structures en acier permet d’animer et de singulariser les ouvrages.

ENVELOPPES COLORÉES EN TOUS GENRES

Les façades et les enveloppes se rapportant à des bâtiments neufs (tour, édifice industriel, cinéma, musée…) ou rénovés peuvent être revêtues de bardages de type industriel ou réalisés sur mesure offrant un large choix de textures et de teintes. Du côté des enveloppes atypiques, la tour tertiaire Agbar, à Barcelone, en Espagne, bâtie en 2005 par l’architecte Jean Nouvel, est entourée d’une façade circulaire à double peau en panneaux d’acier peints multicolores associés à des pare-soleil en verre. Bien identifiable, elle est devenue l’une des icônes architecturales de la ville. Les façades peuvent en effet être parées de différents bardages à simple ou double peau (isolées), en acier galvanisé ou peint, ou en inox, qui les magnifient. Une expression et une morphologie différentes pour The Dutch Vault, le nouveau site de production de la monnaie royale néerlandaise à Houten, conçu en 2021 par l’agence Wastiau & Co. Ce bâtiment protéiforme est emballé d’une peau à facettes en tôles d’acier peintes en ton or qui, s’inspirant des pièces en euros, dessinent des motifs tridimensionnels. Un projet différent avec les 26 « folies » érigées de 1982 à 1987 par l’architecte Bernard Tschumi dans le parc de la Villette à Paris 19e, ces cubes ludiques bardés de tôle peinte en rouge vif ponctuant les espaces verts. Dans le cas des façades bardées, le cinéma Jean-Claude-Carrière (trois salles), érigé en 2019 à Bédarieux (34) par l’agence A+ Architecture, présente des façades opaques revêtues d’un bardage vertical à ondes carrées (Creneo 25) en quatre teintes créant des vibrations avec la lumière.

PRÉSERVER LES OUVRAGES D’ART

Les ouvrages d’art en acier, tels que les ponts et les viaducs, forment un patrimoine inestimable qu’il faut protéger durablement des affres du temps et des agressions liées à leur environnement. Point non négligeable, la technique universelle de la peinture de protection anticorrosion, applicable sur n’importe quelle surface, ne représente que 1 % environ du coût d’un ouvrage pour une durabilité atteignant des décennies. La composition variée d’une peinture anticorrosion peut intégrer jusqu’à 25 constituants définissant ses performances, celle-ci pouvant faire l’objet d’une certification par l’Acqpa. Elles répondent en outre à des besoins divers, comme une résistance aux UV et aux sollicitations mécaniques, ou une protection incendie ou antigraffiti. Si la mise en œuvre de cette peinture est contrôlée par des professionnels, dans le respect des règles de l’art, elle contribue à bonifier le design des ouvrages d’art à l’occasion de restaurations cycliques. C’est le cas de la mythique tour Eiffel, érigée à Paris en 1889 par l’architecte Gustave Eiffel, qui domine la capitale du haut de ses 324 m, sa charpente en fer puddlé de 7 300 t étant entretenue et repeinte tous les 7 ans. De même, le pont routier Golden Gate de 2 737 m de longueur, à San Francisco, aux États-Unis, est un défi en soi, car il a été érigé de 1933 à 1937 par l’ingénieur Joseph Strauss avec 75 000 t d’acier. La proximité de l’océan Pacifique (corrosif) impose de le repeindre régulièrement en orange international, la peinture originelle à base de plomb étant remplacée par une peinture acrylique dans les années 1990. Autre exemple exceptionnel, le viaduc ferroviaire de Garabit, bâti en 1884 à Ruynes-en-Margeride (15) par l’ingénieur Léon Boyer et l’architecte Gustave Eiffel, a été classé Monument historique en 2017. Sa charpente à grande arche en fer puddlé, qui franchit la Truyère et se déploie sur 564 m de longueur et 116 m de hauteur, garde son éclat grâce aux campagnes périodiques de remise en peinture.

SÉCURISER ET MAGNIFIER LE PATRIMOINE

Quant aux autres édifices patrimoniaux en métal, de toutes dimensions, époques et destinations (gare, bâtiment industriel, musée…), ils sont sujets à des projets complexes de réfection-rénovation et/ou de greffe réalisés dans le respect du bâti originel. Le projet majeur de rénovation lancé dans la capitale ces dernières années est sans conteste la reconversion plurifonctionnelle des deux bâtiments historiques de La Samaritaine à Paris, construits entre 1905 et 1928 par les architectes Henri Sauvage et Frantz Jourdain. Conduit par plusieurs architectes, ce projet ardu de préservation du patrimoine s’est doublé d’une remise aux normes sécuritaires. Si les structures métalliques conservées ont été déplombées et décapées, puis protégées par une peinture anticorrosion incluant une couche de peinture intumescente de protection incendie (durée 120 min), d’autres ont été renforcées par souci de stabilité. En tant qu’extension atypique, Métal 57 à Boulogne-Billancourt a fait l’objet d’une greffe (2022) réalisée par l’architecte Dominique Perrault, à côté de l’icône rénovée de l’architecte Claude Vasconi (1984). L’ossature en acier de cette unité de bureaux est revêtue d’une peinture à trois couches : primaire de protection anticorrosion, couche de peinture intumescente de protection au feu (90 min) et couche de finition noir mat, en écho à l’esthétique industrielle omniprésente. Autre exemple de greffe réussie, la halle Pajol, ancienne halle SNCF (1926), à Paris, reconvertie en 2013 par l’architecte Françoise-Hélène Jourda, accueille une auberge de jeunesse et diverses activités. La fine charpente en acier préservée des sheds abritant des volumes en bois, a été mise à nu et peinte en noir. Et pour ce qui est du Grand Palais à Paris (1900), en cours de restauration par l’ACMH François Chatillon, sa spectaculaire charpente en métal a été décapée et protégée par une peinture anticorrosion et une finition vert pâle.