FONDATION LUMA, ARLES

Totem arlésien inoxydable

Commandés en 2007 à Frank Gehry par la mécène suisse Maja Hoffmann, la Fondation Luma et son Parc des Ateliers ont été inaugurés fin juin après huit ans de travaux. Au sud de la cité d’Arles, les anciens ateliers des chemins de fer cèdent la place à un « archipel » culturel que signale la spectaculaire tour facettée d’acier inoxydable de l’architecte californien, véritable exploit technologique.

« Nous voulions évoquer l’ancrage local depuis La Nuit étoilée de Vincent Van Gogh à l’émergence des blocs rocheux des Alpilles. La rotonde (le drum), quant à elle, fait écho aux arènes romaines. » Frank Gehry.

Le nouvel édifice de Frank Gehry, pièce maîtresse d’un campus de 11 hectares au Parc des Ateliers à Arles. Photo : Dronimages
La spectaculaire tour de 15 000 m2 dont la structure géométrique torsadée s’est achevée par la pose de 11 000 panneaux métalliques. Photo : Rémi Benali
Un campus créatif entouré de jardins. Photo : Rémi Benali
Neuf étages sous forme de pétales en planchers collaborants et poteaux-poutres acier. DR
« Nous voulions évoquer l’ancrage local depuis La Nuit étoilée de Vincent Van Gogh à l’émergence des blocs rocheux des Alpilles. La rotonde, quant à elle, fait écho aux arènes romaines. » Frank Gehry. Photo : Rémi Benali

Filiations « fondées »

Arrière-petite-fille du fondateur du laboratoire pharmaceutique F. Hoffmann-La Roche, la suissesse Maja Hoffmann peut se revendiquer arlésienne. Son père Lukas – ornithologue fondateur du Fonds mondial pour la nature – acheta, en 1947, la Tour du Valat, domaine de 1 844 hectares sur la commune d’Arles dont il classa 1 070 hectares en réserve naturelle volontaire 39 ans plus tard. Il y installe le Centre de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes. En 2008, il finance la création de la Fondation Vincent Van Gogh initiée par Yolande Clergue. Grande collectionneuse d’art moderne, sa grand-mère Maja avait constitué, en 1933, la Fondation Emanuel Hoffmann – son premier mari décédé accidentellement à 36 ans une année plus tôt. Sa collection forme, aujourd’hui, la base principale du musée Schaulager conçu en 2003 par le bureau d’architecture Herzog & de Meuron. Après des études de cinéma à la New York School, Maja Hoffmann réalise et produit, dans les années 1980, des documentaires sur Peggy Guggenheim, Marina Abramovic, Jean-Michel Basquiat et Robert Mapplethorpe. C’est à cette époque qu’elle commence sa propre collection d’art contemporain. Mécène d’institutions artistiques, elle supporte également le cinéma, des programmes environnementaux internationaux, Human Rights Watch. En 2004, la création de la Fondation Luma parachève son engagement. L’association philanthropique interdisciplinaire promeut l’art, la culture, l’environnement, les droits humains via la recherche, l’éducation et des archives.

Architecte de fondations aguerri

Préféré à Gilles Perraudin, l’auteur du musée Guggenheim de Bilbao (1997) et de la Fondation Louis Vuitton à Paris (2014) se voit confier le bâtiment manifeste devant incarner la nouvelle institution au sein des dix hectares du Parc des Ateliers – paysagé par le belge Bas Smets – qui recycle plusieurs anciennes halles ferroviaires. Frank Gehry « gribouille » une atypique tour vrillée de 56 m de hauteur, assise sur une rotonde cylindrique vitrée haute de 18 m, dont les 15 000 m2 s’enrochent, de part et d’autre d’une lame-noyau en béton armé concentrant les circulations verticales et services, sur neuf étages sous forme de « pétales » en planchers collaborants et poteaux-poutres acier. Intégrant deux failles de verre, leur enveloppe d’environ 10 000 m2 enchevêtre 10 500 cassettes d’acier inoxydable autour de 46 bow-windows conférant à l’ensemble des allures de pyrite.

(At)exploits

Sa mise en œuvre aura nécessité 100 000 heures d’études et l’obtention d’au moins quatre Atex, dont celui de l’enveloppe ici développée. Relevant davantage de l’ingénierie navale, une coque à facettes – ancrée sur la structure primaire en acier galvanisé et préfabriquée à partir de tôles d’acier de 3 mm d’épaisseur, pliées et soudées à la façon d’étagères – en constitue le support interne. Du côté intérieur, un isolant en laine minérale de laitier à liant hydraulique est projeté en deux couches (15 + 8 cm) maintenues par des aiguilles métalliques. Celui-ci a été posé sans pare-vapeur à la suite des essais de vieillissement accéléré. Formées à partir d’une tôle d’acier inoxydable (1 mm d’épaisseur) avec effet de surface de type lin tissé pour mieux vibrer à la lumière du jour, des cassettes en forme de briques (de 488 mm de hauteur, 150 mm de profondeur et jusqu’à 1 515 mm de longueur), dont certaines doubles, en L ou en trapèze pour les zones délicates, viennent s’y fixer. Le système de fixation devait être invisible, prendre en compte les contraintes climatiques (soleil, mistral), sismiques, et anticiper l’intervention des cordistes (pose et maintenance). Les cassettes ont ainsi été clipsées (± 2 mm) via deux supports métalliques préréglés et encastrés sur l’extrémité des raidisseurs des étagères. Suspendus à la structure primaire et tous uniques, les bow-windows de verre sont composés différemment pour satisfaire aux règles de C+D selon leur orientation, leur emplacement et la présence éventuelle d’ouvrants, d’où le recours à des produits provenant de plusieurs fournisseurs.

  • Maître d’ouvrage : Maja Hoffmann (Fondation Luma), Myamo (AMO)
  • Architectes : Frank Gehry, Studios Architecture (maître d’œuvre)
  • BET : Setec, T/E/S/S, Terrell
  • Entreprises : groupement Vinci Construction France (mandataire), Eiffage Métal, Citynox (façade inox)
Suspendu à la structure primaire, chacun des bow-windows de verre est unique. Photo : Adrian Deweerdt
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