RÉNOVATION DE LA SAMARITAINE, PARIS

Le triomphe de l’acier

Seize ans après sa fermeture, la Samaritaine revient sur le devant de la scène parisienne, sous pavillon LVMH. Les Parisiens vont y (re)découvrir la « classe » de son architecture, à commencer par la richesse retrouvée de ses ouvrages métalliques !

Photo : Pierre-Olivier Deschamps, Agence Vu’/Samaritaine
Au cœur de Paris, la « cathédrale du commerce moderne ». Photo : Pierre-Olivier Deschamps, Agence Vu’/Samaritaine
La façade Art nouveau, rue de la Monnaie. Photo : Pierre-Olivier Deschamps, Agence Vu’/Samaritaine

Cette « cathédrale du commerce moderne », selon Émile Zola, est le fruit de l’esprit visionnaire d’un petit vendeur de tissus à la sauvette. Homme de goût ayant le sens des affaires, Ernest Cognacq poursuivit la croissance diversifiée de son commerce en saisissant toutes les opportunités foncières jusqu’à investir, entre 1870 et 1930, quatre îlots stratégiquement situés entre le pont Neuf et la rue de Rivoli. Tantôt se contentant de réunir les immeubles, tantôt les restructurant plus ou moins lourdement, voire à les reconstruire, il sût s’attacher les talents de Frantz Jourdain et de Henri Sauvage. Ces deux architectes emblématiques de l’Art nouveau et de l’Art déco firent massivement appel à l’acier pour son faible encombrement à portée égale et la rapidité de sa mise en œuvre. Aucun grand magasin parisien ne parvint à faire aussi élégamment l’éloge de ce matériau se mariant si bien au verre et se prêtant à merveille au décor.
Son déclin progressif mais inexorable conduisit à son rachat par LVMH en 2001. Faute d’entretien suffisant prolongé, le grand magasin ferme définitivement quatre ans plus tard. Un vaste audit fut alors engagé pour définir un nouvel avenir à ces quatre bâtiments.

LA POURSUITE DU PALIMPSESTE

Depuis 2009, l’agence japonaise « pritzkérisée » Sanaa supervise la reconstruction du magasin 4 et la restructuration complète des trois bâtiments mitoyens du 2 – inscrit à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques en1990 – traitée ci-après. Situé au nord, Jourdain Plateau est le plus ancien (1891-1910) et, surtout, le plus éclectique. Devant accueillir quatre niveaux de commerces (R – 1/R + 2), une crèche et des bureaux organisés autour d’un nouvel atrium, la totalité des planchers d’origine a été démolie après stabilisation de l’ensemble des façades sur une profondeur intérieure de 3 à 5 m via des palées provisoires contreventées verti­calement par des croix de Saint-André. Plusieurs chevalements spectaculaires en infrastructure et renforcements des éléments porteurs conservés ont été nécessaires pour reprendre la nouvelle structure à poteaux-poutres (rivetés en atelier ou sur place) des six niveaux ceinturant l’atrium couvert par une verrière en dôme inversé. Les façades sur rues ont recouvré leurs décors fleuris originels.

Entièrement consacré au commerce, Jourdain Verrière (1906-1910) retrouve tout le faste de son majestueux escalier central en ferronnerie que douche de la lumière du jour la mythique verrière Art nouveau (37 x 20 m). Celle-ci a dû être stabilisée afin que puissent être démontés les ouvrages périphériques en combles entièrement restructurés. L’ensemble des planchers métalliques – originellement pavés de dalles de verre – a été renforcé par des contre-poteaux pour reprendre les charges supplémentaires dues aux réaménagements intérieurs et à la mise en œuvre des escalators sur tous les niveaux en utilisant des techniques de poutres rivetées. Le confort thermique imposa le recours à des doubles vitrages, dont un en Electrochrome, d’autant plus lourds qu’il lui fallait conserver l’étroit pas initial de 45 cm de largeur complexifiant leurs joints et couvre-joints. D’où le renforcement de sa charpente.

Métamorphosé en palace sous enseigne Cheval Blanc, le bâtiment Sauvage (1926-1928) conserve la totalité de ses façades en pierre Art déco. Mais son changement d’affectation a conduit à d’importantes reprises en infrastructure par chevalement et vérinage, au renforcement des attaches principales des planchers pour reprendre les nouvelles charges, au changement des poutres-profils de plancher dans les étages supérieurs pour gagner de la hauteur sous plafond et à la mise en œuvre de connecteurs sur les poutres pour travailler en ossature mixte. À cela s’ajoute la création de trémies pour les monte-charge, ascenseurs et l’escalier de la partie centrale. Afin de conserver leur fine modénature originelle aux 585 châssis extérieurs des bâtiments Jourdain et aux 170 de celui de Sauvage, KDI a retenu les profilés acier ultrafins à haute isolation thermique Unico et Unico XS de Forster avec une structure alvéolaire en inox.

  • Maîtrise d’ouvrage : Grands Magasins de la Samaritaine
  • Architectes : Sanaa, SRA, Jean-François Lagneau (Lagneau Architectes), François Brugel Architectes Associés, Maison Édouard François, Yabu Pushelberg
  • Maître d’œuvre d’exécution : Egis Bâtiments Management,
  • RFR BET structure : Aedis, Terrell
  • Entreprise générale : Petit (Vinci Construction France) Métallerie : SMB, CCS, Viry, KDI
Transformé en palace, le bâtiment Art déco d’Henry Sauvage conserve ses façades de pierre. Photo : Pierre-Olivier Deschamps, Agence Vu’/Samaritaine
Une fidélité à l’intention des architectes : vouloir la modernité, même radicale, travailler les détails, oser les contrastes. Photo : Pierre-Olivier Deschamps, Agence Vu’/Samaritaine
Une ondulation irrégulière composée de 343 panneaux de verre courbés et sérigraphiés de 2,70 m x 3,50 m, pesant de 600 à 1 250 kg, qui ne reposent que sur deux points d’appui. Photo : Pierre-Olivier Deschamps, Agence Vu’/Samaritaine
L’enveloppe extérieure d’une triple peau de verre qui confère au bâtiment Rivoli son clos et couvert, sa régulation thermique et ses propriétés de résistance au feu. Photo : Pierre-Olivier Deschamps, Agence Vu’/Samaritaine
La spectaculaire verrière de 1907. Photo : Jared Chulski/SRA
Toute la richesse de l’architecture acier retrouvée. Photo : Sanaa
Les patios réinterprètent le goût de Jourdain pour la lumière naturelle. Photo : Jared Chulski/SRA
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