RICHARD ROGERS DRAWING GALLERY, CHÂTEAU LA COSTE, LE PUY-SAINTE-RÉPARADE

Chai perché

La promenade d’art et d’architecture(s) de Château La Coste vient de s’enrichir d’une « sensationnelle » galerie tout en cantilever. Le tout jeune retraité Richard Rogers parachève ici sa carrière près de 44 ans après s’être fait connaître en France avec l’érection du centre Georges-Pompidou, longtemps qualifié de raffinerie multicolore.

Site naturel d’une beauté exceptionnelle, Château La Coste est une destination internationale réputée pour l’art et l’architecture. Photo : We Are Contents/Stéphane Aboudaram
La structure du bâtiment en porte-à-faux. Photo : James Reeve
Conçue pour perturber le moins possible le site et son écosystème. Photo : James Reeve
La structure supportée à partir d’une seule extrémité. Photo : James Reeve

NI VIN, NI ART, NI ARCHITECTURE EN PLUS, MAIS UN PROJET GLOBAL UNIQUE

En 2004, l’homme d’affaires irlandais Patrick McKillen achète le domaine de Château La Coste dont le vignoble n’occupe que 125 de ses 200 hectares. Amateur d’art et d’architecture contemporains, il se consacre à peupler le reste de la propriété d’œuvres – la plupart créées pour elle. Vont successivement y voir le jour la cuverie de Jean Nouvel (2008), le pavillon de musique de Frank Gehry, le portail du domaine, une chapelle, le banc Origami, « quatre cubes pour contempler le paysage », et le centre d’art de Tadao Ando (2011), le pavillon d’exposition de photographies de Renzo Piano (2017), un centre d’exposition par Jean-Michel Wilmotte et une installation en bois dans une clairière par Kengo Kuma (2018).

UN VRAI PORTE-À-FAUX… SINON RIEN !

En 2011, le maître des lieux invite Richard Rogers à venir choisir le site où bâtir une galerie d’exposition de dessins d’environ 120 m2. Sur un versant nord arboré faisant face aux ruines antiques de la Quille, il retient un terrain escarpé, traversé par une ancienne voie romaine et léché au sud par les vignes. L’architecte y concentre les trois gènes majeurs de son art, à savoir le moins d’appuis au sol, la couleur et la vue, tout en rendant hommage à la maison sur la cascade de Frank Lloyd Wright découverte au début des années soixante lors de ses études à Yale. Accessible par une passerelle de 6,50 m, le parallélépipède rectangle (6 x 27 x 6 m) – à structure à poutrelles d’acier et habillé de cassettes aluminium – abritant la galerie s’enchâsse dans un exosquelette (8 x 30 x 7 m) en tubes et ronds d’acier thermolaqué orange qui ne repose que sur deux rotules tout aussi colorées. Ces dernières, comme les deux jeux de quatre câbles d’acier reprenant les efforts (1 000 t) depuis le bras le plus court, côté terre ferme, du cantilever, s’ancrent au sol via quatre massifs de béton lourdement ferraillés (100 m3) où sont noyés des micropieux tubulaires – verticaux (jusqu’à 20,70 m) et inclinés à 45° (jusqu’à 15,70 m) – allant chercher le bon sol sous les 20 m de couches argileuses et marneuses. Préfabriquée en usine, l’ossature a été transportée par la route dans le Lubéron, puis acheminée sur site par un semi-remorque via une piste agricole. Cet ouvrage en cantilever projette, gracile, ses 239 t dans le vide, 10 m au-dessus du sol naturel. Immaculée, la galerie de 27 m de longueur semble opérer à l’inverse d’une chambre noire en s’achevant en balcon d’où embrasser les ruines de la Quille se détachant à l’avant du parc national du Lubéron !

  • Maître d’ouvrage : Paddy (Patrick) McKillen, Château La Coste
  • Architectes : Richard Rogers (Rogers Stirk Harbour + Partners-RSHP), Demaria Architecture
  • Ingénieur structure : Lang Engineering Consultancy, ATES
Le moins d’appuis au sol, la couleur et la vue. Photo : We Are Contents/Stéphane Aboudarame
Toute l’ossature du projet a été préfabriquée en usine et acheminée dans le Lubéron. Photo : Ricardo Portela/Bysteel