MAISON DE L’ORDRE
DES AVOCATS, PARIS

Passionnément digitale B2B

Dans le futur Grand Paris, les portes de la capitale vont se muer en places, à l’image de celles ayant unifié Paris à ses faubourgs dans le projet urbain du baron Haussmann. Avec la Maison des avocats venue parachever le parvis du tribunal judiciaire de Paris livré l’an passé, Renzo Piano offre à la porte de Clichy une aérienne urbanité 

Aux confins du 17e arrondissement, la nouvelle cité judiciaire investit le « barreau nord » de la Zac des Batignolles, compris entre les boulevards des Maréchaux et le périphérique. Le siège du barreau de Paris vient donc y rejoindre celui de la police judiciaire et le tribunal de grande instance récemment transférés depuis l’île de la Cité. 

ENJEUX ET CONTRAINTES 

Pour ce chantier d’ordre privé, le bâtonnier de Paris n’a pas hésité à faire appel à l’architecte génois Renzo Piano dont la fascinante « tour tribunal » voisine est venue inaugurer (et rassurer) avec brio la nouvelle politique municipale des immeubles de grande hauteur périphériques. Hébergeant l’ordre parisien des avocats, leur caisse des règlements pécuniaires (Carpa), un auditorium, une bibliothèque et un business center dédiés, la Maison des avocats aspirait à la transparence architecturale, expression d’une justice démocratique. 

Perpendiculaire au nouveau tribunal et limite méridionale de son généreux parvis, le site qu’elle investit est symboliquement et urbainement optimal. Quasiment triangulaire, cette parcelle trapézoïdale est cependant particulièrement contraignante. En effet, de nombreux ouvrages impactent son sous-sol : la construction va devoir surplomber le puits de la sortie secondaire de la future station Porte de Clichy de la ligne automatique 14, ponter le tunnel de la ligne 13 du métro circulant à – 8 m ainsi que les réseaux d’eau et de collecte pneumatique encore plus profonds et, enfin, épargner les tirants constructifs des fondations du tribunal. Sur les 1 200 m2 de terrain, seul le tiers reste ainsi effectivement disponible pour ancrer en pleine terre le nouvel édifice ! 

EXOSQUELETTE INCONTOURNABLE 

La légèreté étant requise, le recours à un exosquelette en acier – entièrement soudé en place – s’imposait afin de reprendre deux grands porte-à-faux : le premier de 27 m pour la pointe avant du bâtiment – allégée par des doubles et triples hauteurs sous plafond – et le second de 10 m – mais sur une largeur de 30 m – pour la partie arrière. Cette superstructure ne repose que sur cinq points porteurs, à savoir le noyau central en béton et quatre doubles poteaux d’environ 31 m de hauteur en cylindres d’acier fuselé de 8 cm d’épaisseur remplis de béton. Les planchers des deux premiers étages sont suspendus à cette ossature ceinturant tout l’édifice, tandis que trois poutres-treillis – de hauteur d’étage et noyées dans des parois – absorbent le cantilever arrière faisant auvent au-dessus de la future entrée de la Maison des avocats. Lors de leur mise en oeuvre, ces « avancées » structurelles présentaient des contreflèches initiales – respectivement de 14 et 6 cm – que lestèrent progressivement les différents ouvrages (planchers, façades et équipements techniques) et dont il fallut anticiper en permanence l’évolution des surcharges jusqu’à leur aplanissement final. 

Vue en coupe du projet. Doc. : RPBW
La transparence de ses aménagements intérieurs ©L. Zylberman/Graphix-Images
Transparence de la justice : les façades sont entièrement réalisées en verre. ©RPBW
Les huit étages de la pointe du bâtiment sont en porte-à-faux sur une longueur exceptionnelle de plus de 27 m. ©RPBW
Les fondations en 3D. Doc. : RPBW

PROUESSES TECHNIQUES EN CHAÎNE 

Autre complexité, les vibrations émanant du métro nécessitèrent d’interposer des boîtes à ressorts afin de désolidariser superstructure et fondations, optimisées grâce à 24 pieux de béton surdimensionnés. Des massifs de béton baryté (4 t/m3) ont aussi été coulés au pied de chacun des poteaux afin d’en déplacer vers le bas le centre de gravité au-dessus du dispositif antivibratile. Pour ne pas fissurer, les dalles béton des plateaux ne participent pas à la rigidité horizontale (assurée par des contreventements métalliques), mais sont suspendues – à la façon d’un faux-plafond – à la structure acier via des crapauds. De même, un système pendulaire désolidarise les panneaux vitrés de la façade des éventuelles déformations et vibrations de l’ossature. Si les menuiseries extérieures du rez-de-chaussée sont en acier (avec fixations à coulisse), les châssis principaux des étages sont en bois à forte inertie thermique, avec profilés en aluminium pour les ouvrants à compas. Cette façade double vitrage étanche est doublée d’une seconde peau extérieure (distante de 50 cm) constituée d’un simple vitrage en verre extraclair (identique à celui du tribunal) à joints ouverts. 

Modeste par sa taille (7 150 m2), mais brillant par sa conception, l’exosquelette de la Maison des avocats nous rappelle celui, si médiatique, de la première intervention de Renzo Piano dans la capitale : le centre Georges-Pompidou ! 

Maîtrise d’ouvrage : Sogelym Dixence
Acquéreur : Ordre des avocats de Paris
Architecte : Renzo Piano,
Renzo Piano Building Workshop (RPBW) 

Au pied du tribunal, point de repère incontournable du paysage parisien, la Maison de l’Ordre des avocats affirme également sa personnalité à travers une prouesse technique hors du commun. ©AC Barbier
Maison des Avocats / Structure métallique
Maison des Avocats / Structure métallique ©DR
Légèreté oblige, l’exosquelette en acier s’impose comme une réponse au défi structurel. ©AC Barbier
soir venu, la Maison de l’Ordre des avocats s’illumine discrètement afin que le bâtiment participe à la vie nocturne du quartier. © RPBW
La façade du parvis. ©RPBW
©DR
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