L’ACIER À L’ÉPREUVE DU FEU

Dans l’urgence du sinistre, assurer l’évacuation des personnes, limiter la propagation du feu et rendre possible l’intervention rapide des secours constituent des exigences capitales fondant toute réglementation incendie. Répondant à ces priorités, l’acier, qui possède des qualités essentielles face au risque d’incendie, offre des solutions techniques adéquates et issues de toute la filière acier, depuis le sidérurgiste jusqu’au constructeur, lesquels se mobilisent depuis pr ès de 60 ans pour analyser, améliorer et maîtriser le comportement au feu des composants et systèmes de construction des ouvrages. Aucune autre industrie du secteur du bâtiment n’a autant investi à ce sujet.
Comme tout matériau de construction, les solutions acier doivent être évaluées en fonction de leurs usages spécifiques et de leurs interactions avec d’autres matériaux, tant du point de vue de la résistance au feu de ses solutions que de la réaction au feu de ses produits de construction.

La filière acier-construction a toujours proposé aux constructeurs, ingénieurs et architectes, un large panel de produits préfabriqués de structures et d’enveloppes à mettre en œuvre qui contribuent à la création de bâtiments plus inventifs et performants. Le tout en continuant à développer la recherche tous azimuts, notamment le comportement au feu des systèmes existants et à venir. Qui plus est, son avance technologique lui permet de mettre à disposition aujourd’hui des méthodes innovantes de modélisation et de calcul délivrant une meilleure compréhension des risques réels.

PERFORMANCES HORS NORMES DES OSSATURES ACIER

Les excellentes qualités de l’acier en font un matériau de choix qui, par sa légèreté, sa résistance et sa souplesse de pose, offre aux concepteurs de multiples possibilités pour réaliser et réhabiliter des ouvrages de toutes sortes. Comme matière, il est incombustible, il ne participe pas à l’alimentation du feu et à sa propagation, avec une capacité unique à subir une déformation plastique sans provoquer la destruction du bâti. L’acier est également très résistant et homogène, ce qui lui garantit des performances à haute température, moyennant une protection appropriée telle que des flocages, des peintures intumescentes ou des revêtements isolants ou bien entendu sa combinaison avec le béton. Grâce à sa réversibilité, c’est en outre le seul matériau structurel à pouvoir retrouver ses propriétés d’origine à la suite d’un feu et lors de la phase de refroidissement, une aptitude unique qui permet aux pompiers et aux experts d’intervenir en toute sécurité. Un autre atout de l’acier concerne les ossatures métalliques qui, mises en place dans des édifices à étages, sont en général conçues avec un degré élevé d’hyperstaticité. Ainsi, la défaillance d’un poteau acier dans un compartiment en feu n’entraîne pas automatiquement celle de la structure, à cause de l’apparition d’une nouvelle répartition des efforts, l’acier recélant des qualités de résistance identiques en compression et en traction. Une aptitude essentielle pour garantir la sécurité des personnes et l’intervention des services de secours. Pour les parkings à étages largement ventilés, les ossatures métalliques et mixtes sont depuis longtemps conçues en utilisant les concepts de l’ingénierie incendie pour assurer une résistance illimitée en cas d’incendie.

Photos : Alexis Toureau
Hôtel de ville, Montpellier, 2011, Jean Nouvel et François Fontès. Protection au feu oblige, la charpente acier se dote de poutres-treillis de type Warren couvertes de peinture intumescente et de poutres PRS revêtues d’un flocage au plâtre.

Dans les entrepôts, elles peuvent également être conçues dans l’optique d’éviter un effondrement en chaîne et pour pouvoir s’affaisser vers l’intérieur, au sein d’un espace compartimenté en feu. Il faut donc concevoir les ossatures de telle sorte qu’un incendie dans un compartiment ne génère pas la ruine totale de l’édifice. L’absence d’effondrement en chaîne de la structure, quelle qu’elle soit, contribue largement à maintenir l’intégrité des éléments de compartimentage, tels que les murs coupe-feu.

Centre des Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine, 2012, Massimiliano Fuksas. La structure à amples poutres-treillis porteuses en acier du bâtiment compte des tubes de 300 mm qui ont été épaissis pour répondre aux exigences de l’étude ISI de comportement au feu. Photo : Carol Maillard

DES MESURES DE PROTECTION ADAPTÉES ET FIABLES

Pour assurer la sécurité d’un édifice face au risque d’incendie, l’acier est présent partout, aussi bien dans les réseaux de sprinklers, des extincteurs, des détecteurs de fumée et d’alarme, que dans les portes, plafonds et cloisons coupe-feu, qui font figure de moyens d’alerte, dans le but d’avertir ou de circonscrire un départ de feu.
En cas d’incendie, les écrans de cantonnement installés dans une partie d’un ouvrage et le compartimentage, délimitant plusieurs volumes, servent à confiner le feu dans un seul espace et à limiter la propagation des fumées, durant le temps nécessaire à l’évacuation des personnes.

INGÉNIERIE DE LA SÉCURITÉ INCENDIE :
MÉTHODE DE POINTE DE MISE EN SÉCURITÉ

En plein essor, l’ingénierie de la sécurité incendie (ISI) est une démarche scientifique qui analyse des scénarios d’incendie liés à diverses typologies d’ouvrages. Cette alternative réglementaire à l’approche descriptive traditionnelle propose des solutions techniques de pointe adaptées aux risques et à des configurations spécifiques inhérentes à chaque cas de figure abordé. L’ISI, qui s’appuie sur des obligations de résultats, sert à établir les mesures de prévention à adapter, en fonction de l’édifice à bâtir et des scénarios d’incendies crédibles et robustes.
Appliquée à la structure de l’ouvrage, cette ingénierie permet d’identifier le scénario le plus défavorable, en cas de sinistre. L’étude globale des structures prend en compte les interactions entre les diverses parties structurelles, ainsi que la compartimentation et la stabilité de l’édifice. Le comportement au feu des structures acier est largement étudié, et des solutions fiables et sécurisées proposées afin de ne pas provoquer de ruine en chaîne dévastatrice. Si cette démarche permet d’optimiser le coût de construction en maintenant le niveau de sécurité, elle offre aussi au concepteur la possibilité de réaliser son projet en acier, en alliant la sécurité à son parti architectural, assorti d’une économie globale, tout en lui permettant plus de souplesse architecturale et d’innovation. Le bâtiment des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, conçu en 2012 par l’architecte Massimiliano Fuksas, comporte de grandes poutrestreillis porteuses en acier, dont les tubes de 300 mm ont été épaissis, pour répondre aux exigences de l’étude ISI, relative au comportement au feu général.

LES PARCS DE STATIONNEMENT LARGEMENT VENTILÉS, AÉRIENS ET SÉCURISÉS

La réglementation en termes de sécurité incendie (article PS 3 du règlement sur les ERP / arrêté du 9 mai 2006 modifié), dite des « parcs de stationnement largement ventilés » (PSLV), s’adresse à des parkings dotés de plusieurs niveaux ouverts en façade, avec certains critères précis à respecter. Les surfaces d’ouverture, placées au moins dans deux façades opposées, sont au moins égales à 50 % de la surface totale de ces façades afin de permettre un désenfumage naturel, la hauteur libre étant celle sous plafond. De plus, la distance maximale entre les façades opposées et à l’air libre est inférieure à 75 m, alors qu’à chaque niveau, les surfaces d’ouverture dans les parois correspondent à au moins 5 % de la surface d’un plateau. Certains parkings répondent à ces exigences, comme le parking Circé érigé dans le quartier Odysseum de Montpellier (34) par les architectes Cuno Brullmann et Jean-Luc Crochon en 2009. Ce ruban de 15 m de largeur par 1 300 m de longueur, qui s’enroule sur lui-même et dispose ses places en épi, a été conçu grâce à l’ISI. La structure acier recèle un système de poteaux-poutres, disposés tous les 15 m. Les poteaux ronds (Φ 35,5 cm), remplis de béton et d’armatures pour être stables au feu, sont articulés en tête et en pied afin de reprendre les charges verticales. Le contreventement est assuré par les noyaux béton des huit cages d’escaliers (et/ou d’ascenseurs) répartis au sein de l’anneau. Concernant le parking silo F4 de l’aéroport Bâle-Mulhouse (68), réalisé en 2017 par l’agence DeA Architectes, selon les préceptes de l’ISI, il s’élève sur six niveaux et contient 2 500 places. Il comporte une structure mixte acierbéton à poteaux-poutres préfabriqués et une toiture en bac acier galvanisé prélaqué. En façade, a été posée une tôle métallique légère perforée à 50 % de sa surface qui offre une fine peau en résille d’acier nervurée, esthétique, qui participe à la ventilation naturelle des espaces internes.

Photo : Carol Maillard
Photo : Laure Delaporte

Parking Circé, quartier Odysseum, Montpellier, 2009, Cuno Brullmann et Jean-Luc Crochon. Le long ruban en acier de 15 m de largeur et 1 300 m de longueur repose sur des poteaux ronds d’acier remplis de béton et de fers participant à la stabilité générale.

MIXITÉ STRUCTURELLE ET PROTECTION AU FEU EFFICACE

Les ouvrages construits doivent être impérativement protégés contre le risque incendie, au moyen de réponses techniques adaptées à chaque projet, ces solutions offrant aux architectes une grande liberté conceptuelle. L’objectif de sécurité se doit de protéger aussi bien la vie des occupants des locaux que celle des personnes intervenant à la fois pour les sauver et éteindre le feu. De nombreux bâtiments sont donc concernés par la sécurité incendie. Le Palais omnisports Marseille Grand-Est, à vocation polyvalente, a été édifié à Marseille (13) en 2009 par le cabinet d’architecture Chabanne & partenaires. Les trois niveaux abritent un hall d’accueil, deux patinoires et un skatepark. L’infrastructure est bâtie en béton et la superstructure en acier, la charpente préfabriquée de 57 m de portée étant formée de 34 fermes-treillis galbées, rivées et galvanisées à chaud.
Cette mixité structurelle participe à la stabilité au feu des ossatures qui est assurée, notamment, avec les poteaux tubulaires acier (de 15 à 17 m de hauteur) remplis de béton.
Pour l’hôtel de ville de Montpellier (34), bâti en 2011 par les architectes Jean Nouvel et François Fontès, ses divers bâtiments-ponts reposent sur quatre noyaux, dont trois bâtis en béton, garantissant la stabilité globale.
La tour autostable de 40 m (angle sud-est) en ossature acier assure de la souplesse à la structure qui se dilate et comporte des poteaux acier, des poutres mixtes acierbéton et des planchers mixtes acier-béton sur bacs collaborants. Protection au feu oblige, la charpente est dotée de poutres-treillis Warren couvertes de peinture intumescente et d’épaisses poutres en PRS revêtues d’un flocage au plâtre.

Palais omnisports Marseille Grand-Est, 2009, Chabanne & partenaires. Sa charpente acier de 57 m de portée, dotée de 34 fermes à treillis galbées, rivées et galvanisées à chaud, est associée à une infrastructure en béton, assurant une stabilité au feu globale. Photo : Gagne

LES PERFORMANCES DE RÉACTION AU FEU ESSENTIELLES POUR LES FAÇADES ET LES TOITURES

Depuis la catastrophe de la tour Grenfell en Grande- Bretagne en 2017, mais aussi à la suite d’incendies de bâtiments industriels avec des toitures photovoltaïques également au Royaume-Uni et de bâtiments résidentiels en France en 2024 avec des propagations de l’incendie par l’enveloppe du bâtiment, les performances de réaction au feu des matériaux de construction sont revenues à l’agenda des réglementeurs.
Une des particularités de ces incendies récents est la naissance de l’incendie à l’extérieur du bâtiment, puis sa propagation à l’intérieur du bâti par la toiture ou la façade.
La performance de réaction au feu est déterminée aujourd’hui par les Euroclasses, selon la norme européenne EN 13501-1, avec 3 critères de mesure :
• le comportement au feu qui s’échelonne de A1 – incombustible – à F pour les ma tériaux les plus combustibles ;
• la production de fumées – classée s comme smoke – de s1 à s3 ;
• la production de gouttelettes enflammées – classée d comme droplets – répartie entre d0 et d1.

Qu’en est-il de la performance des produits et solutions acier ?
– L’acier en tant que matière est classé A1, donc incombustible, et ne dégage ni fumées ni gouttelettes enflammées.
Il en est de même pour l’acier galvanisé, quels que soient la nature du revêtement et son mode de production (postgalvanisé pour les charpentes, prégalvanisé pour les ossatures légères ou les bacs nervurés).

– Les aciers prélaqués pour l’enveloppe sont, dans leur immense majorité, classés A1 ou A2, donc également incombustibles, en fonction de la nature et de l’épaisseur de la peinture. Seules les peintures PVC, qui ont quasiment disparu du marché français, sont classées Cs2d0, ce qui limite leur usage dans certains types de bâtiments.
Avec le développement des toitures photovoltaïques, la réaction au feu des revêtements de toiture prend de l’importance pour éviter toute propagation. C’est ainsi qu’en 2024, la FPA – Fire Protection Association – en Grande-Bretagne, qui regroupe la communauté des experts en matière d’incendie, a édité un guide de prévention qui recommande de n’utiliser que des matériaux de toiture A1 ou A2s1d0.

– La situation est plus complexe pour les panneauxsandwichs isolants à parement acier. La performance A2s1d0 peut être obtenue avec des panneaux isolants laine de roche, et B2s2d0 pour les panneaux isolants à base de mousse PUR ou PIR. Dans ce dernier cas, cela peut conduire à des limitations d’utilisation pour les ERP. Il faut noter que la performance du panneau ne peut pas être meilleure que la performance de ses composants individuels.
L’acier offre donc un panel complet de matériaux et solutions qui répondent à toutes les configurations réglementaires de protection contre le risque d’incendie et assure ainsi une protection optimale des personnes et des biens.