IMMEUBLE-PONT PANORAMA, PARIS

Un franchissement libératoire

Ériger un bâtiment de 15 000 m² de bureaux et 1 000 m² de commerces sur… du vide : tel est le défi relevé par l’architecte Marc Mimram pour son projet Panorama, un immeuble-pont sur sept niveaux de superstructure en lévitation au-dessus du faisceau ferré de la gare d’Austerlitz. Unique en France, ce bâtiment-pont est réalisé entièrement en charpente métallique.

Situé dans le secteur Tolbiac-Chevaleret de l’opération d’aménagement Paris Rive Gauche, le projet bénéficie d’une localisation exceptionnelle et d’une forte visibilité. Implanté sur l’avenue de France, en face des tours de la Bibliothèque nationale de France (BNF), dans l’axe de la passerelle Simone-de-Beauvoir, le bâtiment s’adresse donc à tous les points de vue. Mais il s’inscrit dans un contexte technique infiniment complexe puisqu’il ne s’agissait de rien de moins que d’enjamber les voies SNCF de la gare d’Austerlitz.

6 000 TONNES D’ACIER SUSPENDUES AU-DESSUS DES TRAINS…

Compte tenu de la distance importante à franchir, de l’épaisseur disponible entre le gabarit ferroviaire à respecter en sous-face et le nivellement de l’espace public en surface ne permettaient pas de réaliser une dalle classique de support pour l’immeuble. La solution classique, selon Marc Mimram, aurait consisté « à construire une dalle très onéreuse et surdimensionnée, c’est-à-dire un plancher de béton de trois mètres d’épaisseur sur lequel on pose des bâtiments. Ici, l’immeuble se porte lui-même. Mais ce n’est pas simple. Il s’agit de faire franchir 58 mètres, la largeur d’un terrain de football, à un édifice de 16 000 tonnes dont 6 000 d’acier, plus de deux fois le poids de la tour Eiffel ». L’architecte a donc choisi d’inverser le processus : « Au lieu de s’installer sur une dalle en attente, nous avons proposé de suspendre la dalle de couverture des voies ferrées au bâtiment-pont. » De quoi modifier l’équation économique en intégrant le coût de la structure invisible de la dalle de superstructure du bâtiment. L’immeuble franchit donc de lui-même la distance et assure ainsi la couverture du volume ferroviaire, d’où l’appellation « immeuble-pont ».

DISPOSITIF LIBÉRATEUR…

Pour l’architecte, cette complexité est un levier pour repenser les usages, les espaces de travail et leurs rapports à l’environnement urbain. « La contrainte de portée devient libératoire, précise Marc Mimram. Une fois que vous avez franchi les 58 mètres – grâce à d’immenses poutres –, vous pouvez vous permettre de libérer le panorama, de créer des espaces uniques et d’offrir de nouvelles conditions de vie au bureau. » Les contraintes étant concentrées dans les étages intégrant la structure de franchissement, les autres parties du bâtiment sont libres. Suspendues ou posées à la structure principale, elles peuvent varier d’épaisseur et dégager des terrasses, balcons, loggias ou mezzanines. L’occupation tertiaire sort de sa logique géométrique (trame de 1,35 m et épaisseur de 18 m avec son rayon central non éclairé) pour révéler des dimensions nouvelles, variables de 6 à 19 m d’épaisseur, des bureaux traversants, des plateaux libres aux façades différentes, des prolongements extérieurs.

Coupe AA perpendiculaire à l’avenue de France. © Marc Mimram Architecture & Associés
Terrasses, doubles hauteurs et loggias se glissent entre les éléments structuraux
Les contraintes sont concentrées dans les étages intégrant la structure de franchissement, les autres parties du bâtiment sont libres. ©camillegharbi

Maîtrise d’ouvrage : Icade
Architecte : Marc Mimram Architecture & Associés (mandataire)
BET structure et économie de la construction : Marc Mimram Ingénierie
BET façades : VSA Photos : Camille Gharbi Photographe

LANCER ET RIPAGE DE PONT

Ouvrage d’art en termes de comportement et bâtiment en termes d’usage, la mise en œuvre du projet a donc obéi au principe suivant lequel on construit de chaque côté sur deux ouvrages, on glisse, on déverrine. Le tout sans interruption du trafic SNCF. La structure complexe est divisée en 23 blocs assemblés sur place dont huit sur les ponts adjacents et ripés ensuite au-dessus des voies ferrées. Les blocs restants ont été acheminés à l’aide d’une grue à tour et de grues mobiles. La construction repose ainsi sur six appuis à ressorts (deux appuis de pont, avenue de France, et quatre depuis la halle Freyssinet et sa promenade plantée). La structure principale est constituée de noyaux et de poutres-treillis incorporées dans le bâtiment, tandis que la structure secondaire est constituée de poutres et potelets acier traditionnels. Pour les opérations de poussage, l’entreprise a utilisé le savoir-faire du lancer et du ripage de pont. Les huit blocs de charpente constituant ensemble la dalle basse du rez-de-chaussée ont été poussés, de nuit, à la vitesse de 3 km/h, chaque bloc pesant environ 450 t.