FUTURS ANTÉRIEURS

Y a-t-il un avenir pour le patrimoine architectural ?

Intérêt historique, artistique, scientifique, social, technique ou affectif ? Sur quels critères un édifice, un monument, un ensemble architectural sont-ils considérés comme faisant partie intégrante du patrimoine ? Explorant projets aboutis et solutions constructives, ce quatrième volet du cycle de conférences « Construire les territoires de demain » interroge le présent pour redonner un avenir au passé.

LES INTERVENANTS
• Qu’est-ce qui fait patrimoine ?
Franca Malservisi, architecte-conseil au CAUE Val-de-Marne, chercheuse au laboratoire de l’ENSA Versailles.
• L’acier, matériau de la réhabilitation et du patrimoine
Pierre Engel, ingénieur, spécialiste de la réhabilitation en acier.
• MétalMorphose
Philippe Prost, Atelier d’Architecture Philippe Prost (AAPP),
Architecte du Patrimoine.
• La réhabilitation architecturale du patrimoine grâce à l’acier
Sonia Leclercq, architecte de l’agence Soja, Architecte
du Patrimoine, lauréate AJAP (Albums des Jeunes Architectes et Paysagistes) en 2016.

« À quoi correspond le terme patrimoine aujourd’hui ? », interroge Franca Malservisi. Dans son usage courant, la notion correspond à un ensemble de biens meubles et immeubles que l’on a en envie collectivement de transmettre aux générations futures. Apparue après la Révolution française, l’idée vise à préserver les monuments exceptionnels. Le terme « monument historique » est alors employé dans les premières démarches d’identification et de protection. Progressivement, la notion s’élargit aux bâtiments moins monumentaux, et la terminologie évolue dans l’idée de transmission. Une liste officielle dressée en 1840 identifie environ 700 bâtiments méritant l’aide de l’État pour leur restauration. Au début des années 1970, il est ensuite question de patrimoine mondial culturel et naturel. Les notions de danger, d’urgence, l’évolution des sensibilités et la nécessité de nouvelles protections, en fonction du contexte, élargissent considérablement le champ patrimonial. Quelque 43 600 bâtiments sont ainsi classés par l’État. « L’acier dans le patrimoine, observe Franca Malservisi, est présent partout, utilisé pour les reprises structurelles, les ajouts grâce à sa légèreté, dans le second œuvre, dans les menuiseries métalliques pour restaurer, par exemple, les fenêtres des 17e et 18e siècles. » À ce titre, l’acier s’impose comme le matériau de la réhabilitation et du patrimoine. « Pour consolider, réparer, renforcer l’existant ; surélever, faire des extensions, souligne ainsi Pierre Engel. La réhabilitation est une action durable, on ne démolit pas un bâtiment. » Illustrant son intervention à travers de nombreux exemples, cet ingénieur spécialiste de l’acier s’est ensuite attaché à détailler la reconstruction de la charpente du collège des Bernardins, au gabarit gothique d’origine, rénové par Jean-Michel Wilmotte, où poutres et poteaux en bois ont été remplacés par des planchers mixtes composés de poutres alvéolaires en acier posées sur la maçonnerie des murs. La charpente en acier était la seule solution pour pouvoir réutiliser les combles et réaliser un auditorium. « L’acier est présent partout dans cet ouvrage, souligne-t-il. Mais on ne le voit pas. C’est le propre de ce matériau. » Autre exemple : la halle Freyssinet, devenue Station F, où l’architecte a pris le parti de ne pas ajouter de superflu à l’ouvrage en accrochant des boîtes sur les colonnes. Légers, ces containers en acier ont permis d’éviter l’ajout de poteaux. Restructuration toujours, avec Philippe Prost, intervenu sur le patrimoine industriel à travers trois sites : la briqueterie de Gournay à Vitry-sur-Seine, devenue incubateur pour la danse contemporaine, la darse du fond de Rouvray à Paris dans le parc de la Villette, une opération de reconversion des anciens ateliers de canaux de Paris, et, enfin, l’hôtel de la Monnaie à Paris, la restructuration complète de cette usine de fabrication des monnaies et des médailles. Une authentique « métalmorphose », un message d’amour au métal à travers toutes ses dimensions pour un des plus beaux bâtiments néoclassiques de Paris, inventaire de la taille de pierre où l’acier a joué un rôle majeur. Sonia Leclercq a enfin présenté deux études de faisabilité sur l’ancienne malterie de Ris-Orangis dans l’Essonne et la tribune du centre de formation du Red Star à Marville en Seine-Saint-Denis, deux ouvrages à structure acier issus d’un patrimoine industriel en déshérence.

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