FRANCK PERRAUD

Chef d’orchestre

Vice-président de la Fédération française du bâtiment, président du Conseil des professions, président de l’Union des métalliers, dirigeant de l’entreprise familiale… À 58 ans, Franck Perraud a placé sa vie professionnelle sous le signe de l’engagement. En fervent défenseur des métiers du bâtiment… et de la métallerie.

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Quel est votre parcours ?

En 1988, après des études à l’Institut supérieur de gestion à Paris, je suis parti pour New York où j’ai fait un MBA à l’université de Columbia. De retour en France, j’ai intégré une filiale d’IBM, spécialisée dans les solutions de financement des systèmes informatiques. Voilà pour ma première vie ! Parce qu’en fait, j’ai très vite rejoint, en 1993, l’entreprise familiale spécialisée dans la charpente métallique et la métallerie acier pour épauler mon père. Ce devait être temporaire – six mois au maximum –, et… j’y suis toujours. L’entreprise, fondée en 1886 par le grand-père de mon grand-père à Saint-Jean-le-Vieux dans l’Ain, réalise entre 8 et 9 millions de chiffre d’affaires et regroupe 40 collaborateurs. J’y ai travaillé tous mes étés de l’âge de 14 ans à 18. Je connaissais très bien l’activité, les ouvriers – pour la plupart, des copains –, ce qui explique mon ancrage et mon engagement syndical. J’ai fait mes premiers pas à la Fédération du bâtiment et des TP de l’Ain pour en devenir président durant deux mandats de 2001 à 2007, puis j’ai pris la présidence de l’Union des métalliers en 2017 avant d’être réélu en 2020 pour un mandat qui prend fin dans deux ans.

Pourquoi l’Union des métalliers ?

J’ai trouvé un bon équilibre dans ma vie professionnelle. Car au-delà de la gestion de l’entreprise au quotidien, j’ai besoin de « m’échapper » un peu pour pouvoir réfléchir sur des sujets, échanger sur des projets et les enjeux du métier. La valorisation de la métallerie, l’innovation

et les transformations technologiques, les stratégies de qualification environnementales, la RE 2020, la RSE, la REP sont des problématiques majeures qui permettent de se projeter dans l’avenir. Et puis ce sont les rencontres, les échanges : le sens de l’humain et la convivialité sont des valeurs très fortes chez les métalliers. Nous avons cette passion du métier, le plaisir de nous retrouver et d’échanger. Ce que je ressens également dans les mandats nationaux. Je suis en effet vice-président de la FFB et président du Conseil des professions, qui regroupe les unions et syndicats de métiers de la FFB, et tout ce que nous traitons, au niveau national, concerne aussi l’Union des métalliers.

Comment avez-vous vécu la crise sanitaire ?

Nous avons eu très peur dès le mois de mars, pourquoi nous le cacher ? Nous étions bloqués par le fait de ne pas avoir de masques ni de gel. Mais nous avons très vite rédigé des guides de préconisation pour pouvoir reprendre l’activité dans les ateliers. Globalement, les petites entreprises se sont très vite adaptées et, dans les chiffres, nous avons perdu environ 10 % du CA, contre des prévisions beaucoup plus sombres. Grâce aux actions de la FFB, nous avons aussi pu négocier le fait de ne pas être reconfinés pour la deuxième vague de l’épidémie. L’inquiétude était également très forte sur la rentabilité des chantiers (une personne par camion, circulations différentes, contrôles aux arrivées de chantiers…). Là encore, les entreprises ont bien résisté même si l’on ne peut pas généraliser. Les mesures gouvernementales en réponse à nos craintes sur la trésorerie et les dépôts de bilan ont permis de passer le cap. Il y avait aussi la peur de ne pas pouvoir garder nos collaborateurs. Les métalliers ont pu conserver leurs effectifs. À cela s’ajoutaient l’inquiétude d’une baisse du nombre de permis de construire et d’un choc de la demande à la rentrée. Si la baisse a été effective, l’activité est au rendez-vous néanmoins. Mais le choc n’était pas là où nous l’attendions. Nous sommes en fait bien plus atteints par la pénurie des matériaux liée à la Covid-19 et par la hausse brutale des prix aujourd’hui. C’est une situation que nous n’avions pas du tout anticipée. Pour les métalliers, ce contexte actuel est catastrophique. Nous devons également faire face à un problème de main-d’œuvre. Comment faire pour gérer pénurie des matériaux, hausse des prix et pénurie de main-d’œuvre ? En cinq mois, la donne a complètement changé…

Ce choc s’inscrit donc plus que jamais dans vos priorités ?

Absolument. Le premier de nos enjeux est celui de l’attractivité de nos métiers et de l’emploi. D’un point de vue salaire ou conditions de travail, il n’y a plus de frein. La métallerie a énormément évolué ces dernières années avec le numérique notamment. Notre mission consiste à faire découvrir aux jeunes toute la diversité et la richesse de nos métiers. Les finales internationales des WorldSkills, qui vont se dérouler à Lyon en septembre 2024, sont l’occasion de témoigner de toute la vitalité des métiers de la métallerie. C’est par l’excellence que nous pouvons attirer et inciter les jeunes à venir vers nous. Deuxième chantier et non des moindres : faire prendre conscience à nos adhérents de la nécessité du virage environnemental. La filière Métal, sur le sujet, est encore trop dispersée. Au-delà du seul message, « Sauvons la planète », les métalliers, s’ils veulent continuer à exister demain et assurer la pérennité de leur entreprise, doivent s’engager. Que ce soit sur la RE 2020, la REP ou la RSE, ils peuvent vraiment s’appuyer sur les travaux de la fédération, les conférences et les guides que nous mettons en place. L’innovation, les transformations technologiques et l’intelligence artificielle sont notre troisième fer de lance. Dans un monde qui bouge à toute allure, nous devons renforcer ces domaines. Nous avons ainsi créé une commission Innovation qui informe et explique, via des colloques, ces avancées majeures pour nos métiers. Enfin, la communication au sein du réseau se révèle aussi cruciale. Plus de 200 bénévoles ont formé des groupes de travail. Nous publions énormément. Nous avons la chance d’être une union des métiers, donc nous sommes présents dans tous les départements. L’Union des métalliers regroupe 3 400 entreprises adhérentes ; notre ancrage local est très fort. À nous encore d’amplifier cette dynamique, de remonter les attentes du terrain et de faire connaître tout ce qui se passe dans les départements. www.metal-pro.org

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