CONTOURNEMENT DE LA CITADELLE DE BASTIA

Promenade corsée au-dessus de la mer

Si Bastia appartient depuis toujours à la mer, le promontoire abrupt couronné par la citadelle en interrompait la promenade maritime. L’Aldilonda – un ruban piétonnier déployé tel un balcon suspendu à 5 m « au-dessus de l’eau » – parachève, après un chantier d’exception, le rapport charnel que la cité noue historiquement avec son littoral.

La bande rouge de la balustrade en acier autopatinable offre un sentiment de sécurité élevé au-dessus du ressac. Photo : David Boureau

L’INSERTION AU SITE, FER DE LANCE CONCEPTUEL

Habitué aux ouvrages d’art « sensibles », Dietmar Feichtinger remporte en 2017 la consultation lancée par la Municipalité pour poursuivre l’U Spassimare – voie douce (piétons, PMR et cycles) littorale – entre le Vieux-Port et la plage de l’Arinella en contournant l’éperon rocheux de la citadelle côté flots. Pour ce faire, il s’est associé avec les paysagistes d’In Situ et ses confrères Isabelle Buzzo et Jean-Philippe Spinelli. Leur agence, basée à Paris et à Bonifacio, a livré quasiment simultanément le Mantinum ; restauration du jardin Romieu en théâtre de verdure magnifiant désormais la liaison verticale entre le donjon de la citadelle et le Palais des gouverneurs jusqu’au port historique à la digue duquel se connecte désormais l’Aldilonda. Aux yeux de ses concepteurs, « aménager, c’est aussi savoir ménager des lieux, prendre appui sur tout ce qui est déjà là. Notre posture est volontairement minimaliste pour que cette promenade trouve sa juste place, en donnant le sentiment d’avoir toujours été là ». Sans aucun obstacle, ni rétrécissement, ni angle mort, le tracé de ce cheminement long de 450 m répond à la morphologie des remparts le surplombant. Le projet s’ancre ainsi successivement dans la roche, à l’intérieur du bastion d’artillerie décentré qu’il traverse en galerie sur 25 m ou sur la digue.

Les garde-corps offrent une transparence maximale, tandis que le rocher ferrugineux s’harmonise avec le rouge rouillé de la balustrade. Photo : David Boureau
Photo : Dietmar Feichtinger Architectes

CONTRAINTES TECHNIQUES ET OSMOSE PAYSAGÈRE

Pour les architectes, « le choix des matériaux répond aux exigences de résistance aux fortes sollicitations, à la houle et au porte-à-faux, tout en offrant une maintenance et un entretien réduits. La pérennité est assurée du point de vue des matériaux et de leur fixation uniquement par ancrage », tant celui du béton à la roche que celui des garde-corps au béton. Les contraintes extrêmes de mise en œuvre ont imposé un système constructif à partir d’éléments structurels préfabriqués dont les dalles continues sont supportées pour les « passages sur la mer » par des consoles en porte-à-faux depuis la falaise, distantes d’environ 5 m. De 1 m de largeur et de 3 à 5 m de longueur, selon la largeur du cheminement par rapport à la falaise, l’angle d’inclinaison de leur sous-face est constant, leur hauteur variant donc de 1,2 à 1,5 m environ. La réservation centrale générée par leur section triangulaire en U permet l’installation des tirants d’ancrage en acier (de 3 à 15 m de profondeur et de 51 mm de diamètre) et d’accueillir les armatures en attente des dalles préfabriquées (11 t environ) avant d’être noyées dans du béton coulé sur site. Le poids de ces consoles oscille de 5 à 10 t. Certains éléments ont été précontraints afin de limiter les fissures, offrant ainsi une meilleure protection à la corrosion. Du côté mer, le garde-corps est constitué de lames d’acier autopatinable de 20 mm d’épaisseur et de 13 cm d’entre-axe, des luminaires Led s’y insérant tous les 3 m, tandis que des spots encastrés dans le sol et tournés vers les remparts mettent le monument en lumière. Pour Bastia, c’est presque une refondation !

  • Maître d’ouvrage : Ville de Bastia
  • Architecture : Dietmar Feichtinger Architectes ; Buzzo Spinelli
  • Paysagiste : In Situ
  • BET : SBP (structure) ; Océanide (aérodynamisme)
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