CÔME VAREILLAUD
Généreux comme le métal

Compagnon du Devoir, serrurier-métallier, Côme Vareillaud, chargé de projets à la serrurerie La Parette, près d’Aubagne, travaille le métal avec passion. Une passion humble qu’il met au service de projets et d’une vision du métier porteurs d’avenir.

Quel est votre parcours ?

Après mon Bac S, plutôt à l’aise dans le domaine scientifique, j’ai entamé des études d’ingénieur à l’INSA de Rouen en prépa intégrée. Mais j’étais en quête d’autre chose. Je souhaitais partir pour voyager, mais avoir tout de même un métier en main. Un travail manuel donc. J’ai toujours eu un attrait pour le métal, son côté plastique, ses possibilités de déformation, le feu, la forge. J’ai donc commencé un CAP de serrurier-métallier chez les Compagnons du Devoir. Je les connaissais de réputation, mais pas plus que ça. Une fois franchi le seuil… c’est là que l’on mesure tout ce qu’ils peuvent apporter. J’étais venu pour apprendre un métier, j’y ai trouvé une philosophie, une formation spirituelle, intellectuelle, des valeurs : l’entraide et la solidarité, un rapport un peu plus sain à la matière, le vivre-ensemble dans un esprit d’écoute, de compréhension, de générosité et de partage des connaissances. L’idée était d’étudier deux ans, puis de partir. Or… je ne suis jamais parti ! Enfin si, mais pour faire mon Tour de France. Ces trois années m’ont appris à apprendre. L’alternance avec les entreprises m’a permis de toucher à tout et d’avoir mes propres projets de portails, de portes, d’escaliers. On connaît la matière, on sait l’appréhender sur des ouvrages standard dans un premier temps, spécifiques ensuite. Et puis il y a tout le savoir-faire des Compagnons. Grâce au Tour de France, j’ai trouvé ma place, je suis devenu acteur. Le travail de réception en troisième année est une étape fondamentale. Je l’ai vécue très intensément. Je devais concevoir un stand en acier pour un organisme. Ça a été une très belle œuvre collective qui a permis des rencontres fortes, des échanges nourris avec les architectes. Je suis alors devenu Compagnon.

Pourquoi le métal ? Quel est votre rapport à ce matériau ?

Je travaille le métal sous toutes ses compositions. Il n’y a pas de limite particulière au matériau. Je peux aussi bien passer de la charpente à du mobilier très fin, de l’escalier à la petite pièce de mécanique pour l’industrie ou le bâtiment. Le point commun : la connaissance du matériau. Il faut savoir le mettre en œuvre pour répondre aux besoins. La palette est immense. En tant que serrurier-métallier, je ne fais pas d’échelle de valeurs entre la charpente et le petit mobilier. Le métal autorise la déformation, l’usinage, le formage, là où le bois ne peut pas se positionner. Il est doté d’une multitude de caractéristiques physiques, tandis que d’autres matériaux sont plus restreints. La pierre, on la taille, le bois également, le plastique, on le coule. Avec le métal, c’est sans limite. On peut le pousser très loin notamment avec les innovations technologiques, comme la 3D, les équipements de type laser, les centres d’usinage.
Il faut savoir jouer avec ces nouveaux moyens. Mais j’ai toujours plaisir à retourner sur le chantier ou à l’atelier, pour remettre la main à l’ouvrage, sortir de l’ordinateur et me confronter à nouveau au matériau, à sa réalité physique, à ses exigences.

Justement, avec l’apport de ces nouvelles technologies, comment voyez-vous l’avenir de la profession ?

Les technologies évoluent tellement vite. Avec l’impression en 3D et les techniques de production automatisée, aura-t-on toujours besoin de la main ? J’ai une vision traditionnelle du métier et un peu ambivalente de l’apport des machines. La valeur ajoutée est évidente, mais appauvrit certains aspects. On travaille de plus en plus sur de la ligne, du volumique et moins sur le côté plastique de l’acier. Le mobilier ou des passerelles réalisées en 3D commencent à sortir de l’ombre. Les finitions ne sont pas très propres et il y a beaucoup de travail de reprise… Mais dans dix ans ? J’aime à croire que l’on ne pourra pas remplacer le matériau par une simple impression. Pour moi, il faut avoir à cœur de relever les défis, de ne pas tomber dans la facilité du standard, du maîtrisable, faire l’effort de sortir de sa zone de confort et des esthétiques normées. Il faut avoir à cœur de rester dans le spécifique car c’est ce qui fait la richesse de l’architecture. Nous avons énormément de travail, de projets superbes à concrétiser, mais nous manquons de profils. C’est un constat national. Si je devais convaincre un jeune de faire ce métier, j’insisterais sur le plaisir de faire du beau, de réaliser de superbes ouvrages qui habillent le quotidien dans le paysage urbain ou chez les particuliers, qui valorisent leur apport à l’architecture, la ville, le bâtiment ou la maison de quelqu’un. Le plaisir, encore, de découvrir un matériau si généreux dans ses possibilités. Le plaisir, enfin, d’être utile, de rendre service aux gens, de tisser une vraie relation humaine avec le client et l’architecte. Nous ne sommes pas artistes, mais artisans : notre but est de faire des choses utiles et belles.

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