Restaurant d’entreprise de la Caisse des Dépôts et Consignations, Bordeaux

Double restauration bordelaise

Après plusieurs décennies passées à Bordeaux-Lac, le siège régional de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) s’implante non loin de la gare Saint-Jean dans un nouveau quartier gagné sur une friche ferroviaire. Son restaurant d’entreprise a été « externalisé », juste en face, dans ce qui restait d’un des sept anciens ateliers ferroviaires s’y étirant sur 1,2 km.

Dans le prolongement de la gare Saint Jean, le projet s’impose, emblématique du nouveau quartier Amédée Saint-Germain, gagné sur la friche ferroviaire.

Reconquête urbaine

Après l’assoupissement de l’ère Chaban-Delmas, Bordeaux poursuit son développement enclenché grâce à l’arrivée du TGV… et d’un nouvel édile visionnaire. Après ses friches industrielles de la rive droite et celles, portuaires, des Bassins à flot, la municipalité est partie à la reconquête de ses « délaissés » ferroviaires, à commencer par ceux à proximité même de la gare Saint-Jean.
Au sud-ouest de celle-ci, le quartier Amédée Saint-Germain déploie, sous la houlette de l’agence LAN, ses nouveaux programmes entre les maisons et hôtels particuliers en pierre du quartier du Sacré Cœur et la large crevasse innervée de voies ferrées. En son centre, un mail de 7 500 m2 planté de 250 arbres met en scène les anciens ateliers de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi dont le château d’eau, désormais classé monument historique, aux arches couronnées par quatre citernes culminant à 15 m d’altitude. La halle de briques accueillera un marché tandis que l’atelier, particulièrement délabré, à proximité de l’immeuble de la CDC a été entièrement restauré par le duo d’agences parisienne et allemande pour héberger le restaurant d’entreprise de l’institution.

Le restaurant d’entreprise reconstitue le gabarit d’un ancien atelier ferroviaire dont ne subsistait plus qu’une des longilignes façades en pierre de Bordeaux.
Les menuiseries sont dotées d’un moucharabieh en clin d’acier perforé masquant les vues des locaux cuisines

Révolution de « palais »

Le projet urbain global de la ville a prôné dès ses origines de doter chacun de ses nouveaux quartiers de bâtiments emblématiques interagissant sur leur identité.
La base sous-marine, la Cité internationale du Vin (X-tu) et le Pont Chaban-Delmas (Thomas Lavigne) caractérisent les Bassins à flot, le stade de Herzog & de Meuron a requalifié Bordeaux-Lac, le centre culturel La Meca par BIG et le siège régional du Crédit agricole par Architecture Studio distinguent Saint-Jean Belcier. Pour Amédée Saint-Germain, l’épannelage retenu croît depuis l’habitat en R+1/+2 du quartier du Sacré Cœur jusqu’aux dix étages des nouveaux immeubles en bordure des voies ferrées où il était implicitement demandé au siège de la CDC d’en devenir le « palais », aux côtés des « monumentales » Citernes! L’immeuble Imbrikation est le fruit de l’étroite collaboration entre les agences Auer Weber et DVVD. Il joue l’inversion : son enveloppe côté ferroviaire semble faite de pierre tandis que celles des cours évidant l’intérieur, côté ville, recourent à des plaques d’aluminium ponctuées de bandes d’acier oxydé et de rubans verticaux végétalisés. Il superpose également trois strates de plans différents (P, E et S) – revisitant les ordres classiques par leur modénature respective – qui ménagent de multiples points de vue sur la ville et le ciel. Introverties au droit des voies ferrées, des ailettes (« épines », selon les architectes) réalisées en fibre de verre associée à du ciment aux allures de pierre contribue à la régulation thermique des bureaux (25 865 m2 éclairés par 1 700 baies). D’importantes terrasses arborées viennent judicieusement s’interposer dans ce dédale architectonique.

« Atelier » de restauration

Les 1 200 collaborateurs (63 % maximum en simultané du fait du télétravail) jouissent, en plus des cafétérias et tisaneries présentes sur les différents plateaux, d’un restaurant d’entreprise implanté dans le mail du Sacré Cœur en contrebas. Il reconstitue le gabarit d’un ancien atelier ferroviaire dont ne subsistait plus qu’une des longilignes façades en pierre de Bordeaux. Uniquement nettoyée et rejointoyée, cette dernière a été doublée côté intérieur, à l’arrière d’une lame d’air ventilée, par une façade en panneaux sandwich repris sur la charpente acier générale en grande partie laissée apparente pour rappeler le passé industriel du lieu. Un doublage en bac acier perforé assure le confort acoustique et décoratif. Au droit des arcades existantes, les menuiseries aluminium thermolaqué double hauteur – prises dans une ossature acier secondaire – sont dotées d’un moucharabieh en clin d’acier perforé masquant les vues des locaux cuisines. La partie opaque de la façade opposée (côté CDC) est réalisée en béton matricé teinté dans la masse, préfabriqué par unité double hauteur de 1 m de large posée en pied sur longrine béton et stabilisée en tête sur les pannes sablières des portiques de la charpente acier. Le mur-rideau des façades vitrées est constitué de menuiseries aluminium (fixes ou ouvrantes). Le généreux auvent engendré par le débord de toiture est « paré » verticalement d’un moucharabieh réalisé en composite ciment-verre teinté dans la masse. Enfin, la toiture à double pente à cheneaux encaissés se constitue d’une double peau en bacs acier – ondulé à l’extérieur, microperforé à l’intérieur.

Le rythme des façades en pierre traduit le déplacement des trains quand les façades intérieures en rappellent les matérialités.

  • Maîtrise d’ouvrage : CDC, Kaufman & Broad
  • Maîtres d’œuvres : DVVD Architectes & Ingénieurs, Auer Weber
  • Entreprises : GTM Aquitaine, Cobarec
  • Industriels : (Promisol, Hacierbda, Fréquence, clin type ST500) ArcelorMittal
  • Photos : Aldo Moretti
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