Reconversion mixte d’un immeuble de bureaux à Paris

Métamorphose archi(tec)tonique

Exclu, faute d’intérêt patrimonial, par l’ABF du périmètre du Plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais, cet immeuble tertiaire des seventies a pu être subtilement reconverti par Jacques Moussafir en une opération mixant ERP, bureaux et logements, mais aussi le béton et l’acier.

Une restructuration a minima mais une transformation radicale pour ce bâtiment des années 1970.

Rare témoin de la période des Trente Glorieuses dans le Haut Marais, le bâtiment construit par l’agence Biro Fernier au 5 rue du Vertbois paraît, de prime abord, plutôt anodin. Pourtant l’ossature toute en béton banché de ses dix niveaux – dont trois de parking en sous-sol desservis par un monte-charge automobile – recourt à des technologies de précontrainte innovantes pour l’époque et présente une voûte inversée supportant un jardin suspendu en cœur d’îlot ainsi qu’un profil mansardé avec six lucarnes. La façade sur rue présente une trame de 1,36 m tandis que celle sur jardin offre une portée de 10 m sans porteur intermédiaire. La rationalité du système poteau-poutre a permis de passer d’une affectation monofonctionnelle à un programme mixte, comme souhaité par le maître d’ouvrage privé qui l’acquiert en 2012.

Orientée au nord, la façade sur rue est équipée sur quatre niveaux de rideaux occultant les baies vitrées qui se déploient sur toute la largeur du bâtiment.
Posés devant le vitrage, sur une console acier en débord de la structure béton et actionnables à distance, les rideaux en maille limitent la réverbération du soleil.

Restructuration a minima… mais néanmoins…

Le changement et la mixité d’affectation imposaient de garantir l’isolation au feu des façades, de prévoir le désenfumage des paliers de logements et d’encloisonner l’escalier principal. Limitant les possibilités d’aménagement des plateaux, ce dernier a donc été reconstruit adossé à un mitoyen. « Les fenêtres insérées dans la grille et les habillages en pierre agrafée cachant la structure de la façade sur rue ont été déposées au profit d’une superposition de vitrines continues, exposant la structure brute sur l’ensemble de la façade scandée par des avancées horizontales marquant les planchers et servant à assurer le degré coupe-feu (C+D) exigé entre les logements », détaille l’architecte. Cette nouvelle façade, suspendue par des plats verticaux en acier axés sur les poteaux béton et butonnée sur la tranche des planchers conservés, s’écarte de la grille structurelle pour intégrer, dans l’intervalle, des radiateurs en allège sous des assises intérieures ainsi qu’un dispositif de double occultation textile (rideaux en toile enduite conçus par Petra Blaisse) et menuisé (volets en bois) permettant de graduer la lumière et le degré d’intimité. Ainsi l’ancienne paroi de verre et de pierre agrafée de 20 cm d’épaisseur, qui occultait la structure et les doublages, est remplacée par une façade de 62 cm d’épaisseur mettant en scène la structure et intégrant les corps de chauffe et les occultations. Côté cour, le mur rideau lisse et sans épaisseur caractéristique du style international a laissé place à un jeu complexe de volumes déhanchés, accrochés aux poutres allèges, qui génère des espaces intermédiaires, sortes de banquettes largement vitrées surplombant le jardin et proposant des angles de vue variés. L’idée est de passer d’une conception diaphane de la façade à une épaisseur habitée dans laquelle on peut se tenir entre intérieur et extérieur, debout, assis ou allongé. Ce quinconce méridional asymétrique est revêtu d’une peau d’inox tandis qu’une maille fait office de garde-corps.

Côté cour, jeu complexe de volumes déhanchés, accrochés aux poutres allèges, qui génère des espaces intermédiaires. Des bow-windows revisités apportent surface et luminosité.

La part belle à l’acier

Qu’il soit noir, inox ou galvanisé, l’acier semble s’être imposé comme marqueur identitaire des transformations tels l’escalier hélicoïdal et les garde-corps des mezzanines du showroom, les caillebottis, main courante ou grille de la cour anglaise sur rue offrant une seconde issue aux sous-sols. L’inox des profonds soffites, tableaux et allèges des généreuses baies de la façade arrière les dilate encore davantage. Conçues par Jacques Moussafir pour son agence qui avait investi à l’origine le plateau du deuxième étage (aujourd’hui occupé par le locataire du showroom), les longilignes tables de travail ainsi que les grandes étagères sont réalisées en fibrociment sur une ossature en tube acier. Les trois derniers étages hébergent un triplex d’habitation : chambres et salles d’eau au quatrième, séjour traversant au cinquième avec cuisine centrale ouverte et vaste terrasse côté rue, un bureau-bibliothèque-chambre d’amis au sixième. La toiture terrasse est équipée de panneaux photovoltaïques. Belle démonstration que reconstruire la ville sur la ville est une nécessité éthique sans pour autant entraver la revalorisation de la qualité et la créativité architecturale !

Les trois derniers étages hébergent un triplex d’habitation.
Inox ou galvanisé, l’acier s’est imposé comme marqueur identitaire des transformations.
  • Maîtrise d’ouvrage : privée
  • Architectes : Moussafir Architectes, Inside/Outside (rideaux extérieurs)
  • BET Structure : Malishey-Wilson
  • Entreprises : Kozac (serrurerie), Pyrometal (menuiseries acier coupe-feu)
  • Photos : Hervé Abbadie
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