RECONVERSION DE LA BOURSE
DE COMMERCE, PARIS

Envoûtante coupole de la Collection
François Pinault

Ouvrage exceptionnel, la structure de la coupole constitue le premier exemple d’une utilisation structurelle du métal à cette échelle et pour un ouvrage de bâtiment. Photo : Courtesy Bourse de commerce-Pinault Collection ; Maxime Tetard
L’ossature de la verrière de la coupole est constituée de montants ou chevrons et de cornières en acier fixées sur les entretoises de la charpente par des attaches ponctuelles. Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architecte. Photo : TESS

Érigée non loin de l’église Saint-Eustache en 1766, la halle aux blés a « bénéficié » depuis de plusieurs transformations toutes aussi innovantes au fil de ses usages. Elle se mue aujourd’hui pour accueillir la Collection Pinault. Un prestigieux trio d’architectes – de trois générations différentes – allie subtilement mémoire et contemporanéité. La rénovation de la coupole en est une des illustrations.

QUATRE SIÈCLES DE PROUESSES CONCEPTUELLES 

À l’emplacement de l’ancien hôtel de la reine Catherine de Médicis dont n’est conservée que la colonne astronomique, Nicolas Le Camus de Mézières – architecte expert de Louis XV en charge des grands projets d’utilité publique – construit une atypique halle aux blés. En effet, il renonce aux halles-nefs au profit d’un bâtiment circulaire à double anneau en arcades autour d’une cour centrale à ciel ouvert. Des éléments métalliques noyés dans les maçonneries renforcent l’édifice, tandis que son ingénieuse structure le prémunit contre le feu. 

La coupole « légère » en bois venue couvrir sa cour en 1783 s’effondre 19 ans plus tard suite à un incendie. En 1813, celle conçue par l’architecte François-Joseph Bélanger et l’ingénieur François Brunet innove par son ossature principale en fonte de fer prenant la forme d’arcs et d’anneaux de contreventement latéral successifs portant au centre une verrière en fer forgé (plus léger et plus fin). Faisant appel aux premiers châssis en fonte de fer franchissant de telles portées, ce révolutionnaire assemblage « à caisson » couronné d’un lanterneau conique fait référence au dôme du Panthéon romain. La nouvelle manufacture du Creusot en produit en série les composants pré-industrialisés à géométrie complexe. Cuivre et verre simple en constituent l’enveloppe. 

Alors que s’achèvent les halles de Baltard, celle aux blés ferme suite à la faible activité du marché aux grains. Décidée en 1881, sa reconversion en bourse des marchandises est confiée à Henri Blondel cinq ans plus tard. Conservant ce qui est « remarquable », à savoir sa charpente et son atrium, il remplace la couronne extérieure qu’il surélève d’un étage et dote d’un nouveau portique d’entrée sur la rue du Louvre. Il crée aussi un entresol. Glissée à mi-hauteur entre la charpente en fonte, une maçonnerie de briques est extérieurement revêtue d’ardoises avec ornements repoussés en zinc, tandis que son intrados reçoit une fresque symbolisant l’histoire du commerce dans les cinq continents. Inauguré en 1889, l’édifice concourt, avec la tour Eiffel, à la promotion des savoir-faire français lors de l’Exposition universelle fêtant le centenaire de la Révolution. 

RE-FONDATION CONTEMPORAINE 

Au départ de la chambre de commerce et d’industrie de Paris qui l’exploite, la Municipalité annonce en 2016 son rachat et la signature d’une convention de 50 ans avec François Pinault en vue de l’accueil de la collection d’art contemporain de sa fondation. Comme à Venise, le milliardaire fait appel à Tadao Ando associé à la jeune agence NeM. Architecte en chef des monuments historiques convaincu du nécessaire dialogue entre héritage et contemporanéité, Pierre-Antoine Gatier assumera l’interface patrimoniale. À nouvelle destination, nouvelles contraintes. Pour garantir la stabilité de la coupole au regard des critères actuels, des renforts en acier haute performance crapautés sur la charpente de François-Joseph Bélanger ont été nécessaires. La démarche de conservation préventive des oeuvres exposées a imposé le remplacement du verre armé existant de 6 mm d’épaisseur de la coupole par du double vitrage à contrôle solaire (6/10/6) et celui du verre simple du lanterneau par un simple vitrage feuilleté avec couche anticondensation de 10 mm – générant une surcharge respective de 15 et 10 kg/m2, soit environ + 20 % pour l’ensemble. L’ossature a donc été confortée en conséquence tout comme le chaînage horizontal en partie basse. Il a été fait appel à un artisan ornemaniste pour restaurer ou remplacer à l’identique les éléments décoratifs en zinc du soubassement extérieur du dôme. Grâce à ce dernier, l’impressionnante cimaise circulaire en tatamis de béton de Tadao Ando mettra précautionneusement les oeuvres en majesté ! 

Maître d’ouvrage : Fondation Pinault
Architectes : Tadao Ando ; NeM ; Pierre-Antoine Gatier (Fanny Houmeau, chef de projet)
BET structure et verrière : T/E/S/S 

Photo : Vladimir Partalo, courtesy Bouygues Construction
Photo : TESS
Photo : TESS
Coupe transversale de la halle aux grains indiquant les assemblages entre fermes de charpente et ceintures horizontales en fer coulé. Doc. : Courtesy Wallraff-Richartz Museum & Fondation Corboud
Représentation des ouvriers pendant l’assemblage des fermes et des ceintures. Doc. : Courtesy Wallraff-Richartz Museum & Fondation Corboud
Sous l’immense verrière qui surplombe, selon l’architecte Tadao Ando, « le seul musée circulaire du monde avec ses 70 m de diamètre et 35 m de hauteur sous la coupole ». Photo : Marc Domage, mars 2020. Courtesy Bourse de commerce-Pinault Collection
La verrière est rénovée avec le principe de tuilage réalisé à l’identique de l’existant. Photo : Patrick Tourneboeuf, courtesy Bourse de commerce Pinault Collection 2019 mai
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