PÉRENNITÉ ET RÉEMPLOI DU MATÉRIAU ACIER
Pour parer à l’urgence climatique planétaire, le secteur du bâtiment doit revoir sans cesse ses pratiques et objectifs environnementaux en tenant compte de la raréfaction des ressources. Dans ce contexte la filière acier-construction s’est amplement mobilisée : elle se réinvente en continu et produit des composants métalliques plus vertueux et toujours plus faciles à mettre en œuvre. L’acier, matériau historique de l’architecture métallique, apparaît aujourd’hui, comme un allié incontournable de la transition énergétique, avec sa haute résistance, ses capacités de standardisation et de préfabrication, sa recyclabilité à 100 % et à l’infini. Surtout, il est idéal pour le réemploi, cette approche qui permet de préserver l’intégrité mécanique des pièces en acier, tout en réduisant drastiquement son empreinte carbone.
PERFORMANCES DE L’ACIER EN FAVEUR DU RECYCLAGE
L’acier reste l’un des matériaux les plus utilisés pour la construction dans les pays industrialisés. Il possède la capacité unique d’être recyclable à 100 % et à l’infini, sans subir aucune altération de ses qualités, l’objectif étant de créer d’autres produits en acier dans une boucle fermée. Cela permet de préserver l’environnement, en évitant de puiser dans les ressources naturelles limitées en minerai de fer. Qui plus est, l’acier se « régénère » : après être passé par l’aciérie, il retrouve ses caractéristiques d’origine. Grâce à ses propriétés magnétiques, sa récupération dans les flux de déchets est en outre aisée et abordable.
L’acier possède aussi d’excellentes qualités mécaniques qui peuvent traverser le temps sans limites, à condition d’un entretien adapté. Sa résistance mécanique permet de concevoir des structures légères à grandes portées offrant une flexibilité optimale pour l’organisation spatiale des espaces de vie. Son élasticité est également appréciée des concepteurs, ainsi que sa capacité à se déformer sans entraîner de rupture brutale, qui permet une réévaluation de ses performances, même après des décennies d’usage.
DURABILITÉ, PROTECTION AJOUTÉE ET AUTOPROTECTION
Plusieurs systèmes de protection sont applicables sur les composants acier pour leur apporter de la pérennité et divers aspects.
Pour la corrosion, principal facteur de dégradation de l’acier, les pièces peuvent être protégées par galvanisation ou peinture, ou être installées en milieu intérieur pour rester intactes.
Incombustible, l’acier a des atouts pour la sécurité incendie des bâtiments et la protection des usagers. Pour ce faire, les ossatures en métal des édifices sont préservées lors de la propagation du feu grâce à l’application sur leurs pièces de systèmes de protection rapportés (flocage, peinture intumescente…), retardant leur échauffement et leur déformation.
Pour les aciers autoprotégés, l’acier inoxydable, doté d’une résistance accrue à la corrosion, est fort prisé des ingénieurs et architectes qui le mettent en œuvre sur leurs projets pour ses vertus d’esthétique, de durabilité et d’entretien aisé. Projet atypique et durable, le dépôt Boijmans, situé dans le Museumpark de Rotterdam, aux Pays-Bas, a été conçu en 2021 par l’équipe MVRDV. En forme de pot de fleurs géant de 40 m de haut et six étages, c’est le premier dépôt d’art au monde accessible au public, qui loge les 150 000 œuvres d’art du musée éponyme voisin. Sa structure à profils acier assemblés par boulon

LE RÉEMPLOI, UNE PRATIQUE QUI A LE VENT EN POUPE !
Au-delà du recyclage, les acteurs de la filière acier et leurs partenaires sont fortement engagés dans la construction durable pour développer le réemploi qui consiste à réutiliser les produits de construction, en garantissant leurs performances mécaniques et en limitant les déchets. Cette pratique vertueuse en plein essor est adaptée aux produits de construction en acier qui sont déconstruits en fin de vie d’un bâtiment. Ces éléments pérennes peuvent être réemployés tels quels, ou bien remis en état. Et la préfabrication des composants acier permet d’optimiser les solutions techniques mises en œuvre, en générant un gain certain de temps et de coût sur le chantier, les éléments préfabriqués durables étant adaptés au réemploi.
Certains projets d’architecture métallique sont des précurseurs de cette démarche, telle que l’opération BedZED (Beddington Zero Energy Development) de 82 logements et activités, édifiée en 2002 par l’agence Bill Dunster Architects, dans un quartier de Londres, en Angleterre. Sa particularité repose sur le fait que 95 % de la structure acier de ses entités sont issus de pièces récupérées dans des décharges locales ou auprès d’entreprises de démolition.

LES PLATEFORMES DE RÉEMPLOI EN PLEIN ÉLAN
Pour structurer et sécuriser ces démarches, certains organismes de promotion de produits en métal, comme le Centre technique industriel de la construction métallique (CTICM), s’engagent à déployer le réemploi dans la filière acier, dans le respect de la réglementation environnementale RE2020 et les objectifs de la loi Agec (de lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire). Le CTICM a établi des recommandations professionnelles détaillant la démarche à mener pour garantir la requalification des composants structuraux acier de réemploi, leurs propriétés étant équivalentes à celles de pièces neuves. Le respect de ces recommandations professionnelles inscrit pour les assureurs le réemploi dans les techniques dites courantes. Le centre accompagne les entreprises partenaires dans la mise en place de cette démarche d’avenir et contribue à l’essor du réemploi des produits acier dans la construction. Il a créé une plateforme numérique « MétalRéemploi » qui sert de « salle de marché virtuelle » assortie de catalogues de produits destinés à mettre en relation les vendeurs avec les acheteurs. Il s’agit de produits métalliques – structure, enveloppe et métallerie – en partie requalifiés et dotés d’attestations de performances, conformes aux règles de l’art en vigueur. Dans chaque région, des partenaires, voués au réemploi de proximité de ces produits, sont à l’écoute des demandes formulées pour y répondre. Beaucoup de plateformes de réemploi ont vu le jour dernièrement, comme Sinfina qui, créée en 2023 à Gonesse, par le charpentier métallique General Metal Edition, récupère et stocke des pièces de métallerie dans ses entrepôts afin de les réutiliser pour de futurs bâtiments.
DÉCONSTRUCTION ET REMONTAGE AISÉS
La déconstruction et le démontage d’un ouvrage bâti en acier sont aisément réalisables, car les systèmes constructifs comptent souvent des profils standards, assemblés par boulonnage et aptes à être démontés, à l’instar de grands mécanos. Exécuté de manière propre et maîtrisé, ce démontage permet de trier des pièces liées à un usage évolutif. Lesquelles peuvent être récupérées, en vue d’un réemploi au sein de nouveaux projets, tous les éléments étant réemployables, excepté ceux noyés dans les fondations. Cas pionnier d’écoconception, le Stade 974 de 40 000 places, érigé en 2021 à Doha, au Qatar, par Fenwick Iribarren Architects pour la Coupe du monde de football 2022. Sa charpente acier boulonnée – cernant les 974 conteneurs recyclés multicolores qui forment les espaces clos de l’enceinte – a été démontée après le tournoi pour être remontée ailleurs, les panneaux des plafonds et éléments de tribunes ayant été transportés dans ces conteneurs. Le bilan carbone a été réduit, grâce aux économies de matières et de déchets induits, et aux principes vertueux d’économie circulaire. La preuve qu’un édifice d’ampleur peut évoluer et être pensé de façon temporaire pour être réutilisé ensuite. Dans l’Hexagone, une opération modeste à Gennevilliers (92), où son centre équestre datant de 1980 a fait l’objet d’une démarche de réemploi. En 2022, le CTICM a réalisé un diagnostic préalable de sa charpente acier, avant son démantèlement. Cette analyse a permis de s’assurer de la faisabilité du projet, en expertisant les structures acier susceptibles d’être réemployées. Après la phase de réparations, le démontage soigné de la charpente a été mené par le constructeur métallique Viry (groupe Fayat). Les éléments de structure et les fermes acier ont été réemployés pour bâtir l’usine du Sytevom de Noidans-le-Ferroux (70).

LONDRES, LABORATOIRE DU RÉEMPLOI STRUCTUREL ?
Cette thématique vertueuse de bâtiments démontables est en pleine expansion en Grande-Bretagne, notamment à Londres. Lors de la déconstruction de l’immeuble tertiaire One Broadgate – conçu par Arup dans les années 1980 –, 139 tonnes d’acier ont été récupérées par le promoteur Fabrix, puis revendues et intégrées dans un projet voisin situé à Southwark. La démonstration qu’avec une bonne coordination entre démolisseur, ingénieur et architecte, le réemploi fonctionne à grande échelle, au cœur d’une capitale. Les dizaines de poutres et colonnes, ayant échappé au recyclage, ont permis d’économiser plusieurs centaines de tonnes équivalent CO2.
Un projet qui fait école, car Londres est devenue un laboratoire du réemploi structurel. Autre exemple, avec le City Place House, un bâtiment de 13 étages de bureaux, services et commerces qui, inscrit dans le quartier d’affaires londonien, a été démantelé en 2021, avec une attention particulière portée à sa charpente acier. Au lieu de la mettre au rebut, les ingénieurs ont inventorié chaque pièce et organisé leur démontage pour alimenter le secteur du réemploi. Certifiées et stockées, ces poutres sont dès lors disponibles pour ériger d’autres édifices. Il est question de « mine urbaine », quand les bâtiments deviennent des gisements, et leur démolition une forme d’extraction de ressources.
Autre projet d’ampleur, le stade olympique de Londres qui, érigé en 2011 à Stratford par l’agence Populous et Sir Peter Cook, a servi d’enceinte d’athlétisme pour les Jeux olympiques d’été 2012. En forme d’ellipse, ce stade – de 315 m de long, 256 m de large et 60 m de haut – a été rénové en 2016 afin d’accroître sa polyvalence. Son toit en charpente acier – légère, démontable et transformable – compte des câbles tendus avec un anneau central servant de passerelle. Sa singularité tient à son anneau externe qui compte un treillis en tubes, provenant de la récupération d’éléments en métal d’un ancien gazoduc.

