MAISON D’HÔTES, SALTMARSH HOUSE, ÎLE DE WIGHT, GRANDE-BRETAGNE

Un pavillon Zen en lévitation

La Saltmarsh House fait figure d’objet raffiné et intemporel, qui s’intègre parfaitement à l’environnement unique des marais et prairies de l’Ile de Wight, jusqu’à s’y fondre. La démarche conceptuelle et écologique menée par l’architecte Niall McLaughlin entremêle avec brio l’usage de matériaux naturels (bois) et industriels (acier et verre) qui se complètent et enrichissent considérablement le projet très épuré, d’inspiration japonaise.

SITE NATUREL, ENTRE TERRE ET MER

Réalisée en 2021 par l’architecte londonien Niall McLaughlin, la maison d’hôtes Saltmarsch prend place dans le nord-est de l’île de Wight, dans les eaux de Solent – bras de mer séparant cette île de la Grande-Bretagne – un site à l’environnement naturel exceptionnel qui profite d’un climat plus doux qu’ailleurs dans les îles britanniques. Cette île est connue pour les séjours fréquents de la reine Victoria au 19è siècle qui en fit une destination de vacances populaires durant cette période. Elle est également célèbre pour son illustre festival de musique pop et rock qui eut lieu dans les années 1968-70 et où se produisirent de grands musiciens, tels que les chanteurs Bob Dylan et Leonard Cohen, le guitariste Jimi Hendrix, le groupe The Doors…Et c’est dans le jardin de l’une des résidences d’époque victorienne en place, que ce projet d’architecture contemporaine subtile trône au milieu d’un paysage de landes unique, façonné par les marais salants environnants. « Je construis des bâtiments comme des expériences, plutôt que des objets fabriqués dans l’espace, et je suis moins guidé par l’esthétique que par l’imagination. Pour ce projet, j’ai été séduit par son site, où règnent la beauté du paysage, la lumière aquatique, la faune y vivant (c’est un sanctuaire d’oiseaux) et la forêt de chênes. », explique l’architecte Niall McLaughlin.  

LUXE, CALME ET VOLUPTÉ…

Cette maison est accessible par un chemin serpentin qui descend de la colline, à-travers de hautes herbes et des arbres fruitiers, jusqu’au bord de l’eau. Elle s’organise, à partir d’une grille carrée de 5 m de côté, selon laquelle les quatre travées accolées sont disposées en parallèle à la côte. Le plan épuré de ce pavillon s’articule autour d’un grand espace en long semblable à un atrium qui occupe trois travées donnant sur la mer (sud), et sert de séjour et de coin repas. A l’arrière, se greffent trois boîtes ouvertes sur ce volume central qui abritent chacune une fonction précise, soit une cuisine, une chambre et une salle de bains.  Ces petits espaces intimes, traités comme des cocons confortables, orientés au nord, côté prairie, font le pendant au volume fédérateur, totalement ouvert sur l’environnement. Reposant sur des fondations superficielles, limitant les travaux de terrassement, le bâtiment, légèrement surélevé sur une plateforme en bois, semble flotter en lévitation. La véranda-terrasse, qui s’enroule autour de la maison, est protégée des caprices de la météo, par un large débord du toit, et offre des vues imprenables sur le paysage marin en constante évolution. Se référant à l’architecture à la fois raffinée et brute des fermes japonaises, l’ensemble se love sous quatre toitures à quatre pentes peu inclinées qui évoquent d’amples parapluies abritant les espaces des intempéries (vent, pluie…). En termes de matériaux mis en œuvre, la part belle est faite à l’acier, au bois et au verre, dans une optique de performance énergétique.

Le volume principal coiffé de toits pyramidaux en charpente acier légère.
Les trois modules préfabriqués logeant la chambre, la salle de bains et la cuisine.
Fines charpentes métalliques en tubes dorés de la toiture.
Plan du rez-de-chaussée.
Coupe longitudinale.
Coupe transversale.
La structure en colonnes effilées quadripartites soutient l’ensemble, alors que la terrasse occupe une travée vide et se déploie sur le pourtour de l’ouvrage.
L’accès arrière à la maison s’effectue par un chemin serpentin qui descend de la colline, à travers de hautes herbes et des arbres fruitiers, jusqu’au bord de l’eau.

ULTRA FINESSE STRUCTURELLE

La façade faisant face à la Manche présente trois grandes baies vitrées motorisées à guillotine (en triple vitrage) qui peuvent s’abaisser sous le plancher pour s’ouvrir et créer des cadres successifs, gommant toute limite entre l’intérieur et l’extérieur. Ces cadres en acier ont été préfabriqués et assemblés en atelier, avant d’être posés in situ. « Mon ambition était de créer un espace contemplatif, où le paysage et le temps s’intègrent, de manière à ce que les habitants puissent y vivre et s’y sentir protégés. », ajoute le concepteur. Les espaces intérieurs, qui bénéficient de nombreuses transparences, sont en totale connexion avec la nature. Pour concevoir la structure porteuse ultra légère de la maison, Niall McLaughlin a demandé à son ingénieur : « Quelle est la colonne la plus petite et la plus fine que vous puissiez fabriquer ?» Ce dernier a alors conçu de fines colonnes quadripartites en tubes d’acier qui, évoquant « des rayons de roue de bicyclette », confèrent au bâtiment un air de légèreté certain. Une particularité structurelle, puisque les huit potelets, placés sur la trame de 5 x 5 m, sont constitués de quatre profils chacun permettant d’insérer un « mur de verre » en leur milieu, assurant à l’ensemble de hautes performances thermiques. Les colonnes élancées et les cadres d’acier sont laqués d’ « une riche couleur dorée », alors que le revêtement de façade et le toit se composent d’une tôle en cuivre de ton brun rouge qui s’oxyde au fil des ans.

QUATUOR DE PYRAMIDES EN TOITURE

Si toutes les fonctions sont glissées sous la superstructure du toit, ce dernier fait l’objet d’un traitement sophistiqué particulier, en prenant la forme d’un quatuor de petites pyramides maintenues par de fines charpentes métalliques en tubes dorés qui « révèlent son squelette » et allègent l’ensemble, en le rendant aérien. Couverts de cassettes préfabriquées isolées en cuivre, les pans à géométrie variable de cet origami géant sont dotés de brise-soleil extérieurs en bois sur les faces vitrées et habillés en sous face de lamelles de bois clair pour les parties pleines. Sachant que les trois modules accueillant les espaces domestiques ont été construits en hors site, puis livrés et mis en œuvre sur le lieu. Les cloisons en panneaux de bois blond, font écho au mobilier (fauteuils et banquettes) en bois marron et tissu vert d’eau qui font partie de l’aménagement sobre du séjour, un poêle en métal laqué noir pourfendant le volume à l’une de ses extrémités. À l’autre extrémité, la véranda déployée sert de prolongement extérieur appréciable à l’espace principal. Outre les multiples reflets liés aux vitrages et aux matières en présence, les teintes chaudes du bois, se dégageant des matériaux posés et du mobilier agencé, contrastent habilement avec les tons froids des pâturages et marais des abords. Et pour les jardins alentour, le paysagiste Kim Wilkie a créé une « forêt indigène » derrière la maison, où vont paître les moutons de race locale.

  • Maîtrise d’ouvrage : privé
  • *Maîtrise d’œuvre : Niall McLaughlin Architects ; Kim Wilkie, paysagiste
  • Ingénierie structurelle : Smith and Wallwork
  • M&E Ingénierie : Rithchie + Daffin
  • Photos : Nick Kane