JEAN-MARIE BROUSSET

Savoir faire

Président du directoire de Maisonneuve, entreprise spécialisée dans le négoce des aciers, Jean-Marie Brousset n’a ni magasinier, ni chauffeur, mais « des collègues qui font chacun leur boulot ». Misant sur la taille, la souplesse et la réactivité de la société, il cultive avec foi la dimension humaine d’une « maison » familiale indépendante attachée à ses valeurs.

Photo : Hélène Antonetti

Quel est votre parcours ?

Diplômé en gestion, j’ai travaillé dans différentes entreprises et toujours dans le commerce. Dans les années 1980, je suis arrivé par hasard dans la région de Château-Gontier et ne comptais pas forcément m’y établir. Natif de La Rochelle, la mer me paraissait vraiment loin ! Un poste de commercial sédentaire s’étant libéré chez Maisonneuve, je me suis présenté devant ses dirigeants,
Patrice et Jean-Marie Maisonneuve, et c’est comme ça que j’ai été embauché, à 22 ans. À l’époque, l’entreprise, fondée en 1936 par René Maisonneuve et spécialisée dans le commerce de fers et charbons, s’était recentrée sur le négoce de produits métallurgiques et regroupait une cinquantaine de collaborateurs. Durant une dizaine d’années, j’ai donc été commercial en charge de la Bretagne et de la Normandie jusqu’au jour où Patrice Maisonneuve m’a demandé de structurer les achats en créant un véritable service. D’abord surpris par cette offre, je l’ai acceptée et je me suis alors retrouvé à acheter de l’acier. L’entreprise a commencé à bien se développer. Je suis resté une quinzaine d’années à la tête du service achat, et puis, à partir des années 2000, nous avons commencé à réfléchir à la restructuration de Maisonneuve. Patrice Maisonneuve était président-directeur général, assisté de cinq cadres responsables de services. Mais les statuts de l’entreprise, qui ne permettaient pas d’en être le dirigeant opérationnel au-delà d’un certain âge, nous ont obligés à faire évoluer la gouvernance. Qui plus est, certains des membres de la famille, eux aussi actionnaires, souhaitaient se retirer pour réaliser leur capital. Nous avons donc imaginé un système bicéphale, avec un directoire et un conseil de surveillance. De quoi permettre à Patrice Maisonneuve de rester proche de l’entreprise sans être aux manettes de la direction opérationnelle. En 2010, je suis donc nommé président d’un directoire composé de quatre cadres
dirigeants, j’assure la direction générale et opérationnelle sous le contrôle d’un conseil de surveillance familial présidé alors par Patrice Maisonneuve.

Quelles sont les principales forces de l’entreprise ?

Avec 110 000 mètres carrés de terrain dont 66 000 sont couverts, nous disposons sûrement aujourd’hui des structures de stockage sur un seul site les plus importantes en France. Un nouveau bâtiment qui avoisinera les 17 000 mètres carrés devrait être opérationnel pour la fin 2023. Notre stock permanent, disponible et rapidement mobilisable, est d’environ 50 000 tonnes de produits métallurgiques sur plus de 3 000 références. Nous livrons ainsi environ 180 000 tonnes par an. Voilà pour l’activité de négoce. Nous sommes également présents dans la transformation, avec l’entreprise Acier Transformation Service (ATS), qui découpe l’acier suivant trois technologies différentes : laser, plasma et oxycoupage. ATS fabrique également, et toujours en sous-traitance, des poutrelles reconstituées soudées (PRS) pour tous les constructeurs métalliques français. Mais au-delà des seuls chiffres, je dirais que la souplesse, la réactivité et la volonté d’être toujours en capacité de dire oui à un client constituent nos principaux atouts. La crise de la Covid-19 nous a beaucoup affectés et obligés à prendre une décision totalement inimaginable : la fermeture de l’entreprise pendant trois semaines. Mais ce choc nous a conduits à nous interroger sur la gestion de crise. La hausse du prix des matières premières en 2021, suivie du conflit en Ukraine qui a impacté les commerces mondiaux, notamment celui des métaux, ont induit une révolution de notre mode de pensée. Ce ne sont plus des crises que nous traversons, mais bien un quotidien auquel il va falloir s’adapter. Il nous faut désormais être en mesure d’agir face à l’imprévisible avec non seulement beaucoup de pragmatisme, mais aussi d’humilité. On imagine aujourd’hui que notre métier sera durablement constitué d’inconnues, de retournements parfois brutaux des marchés auxquels nous devrons nous adapter.

Dans ces conditions, comment envisagez-vous l’avenir ?

Pour une entreprise comme Maisonneuve, l’avenir repose sur deux principes qui constituent nos fondamentaux. Je veux parler de la volonté permanente de satisfaire nos clients, en termes de stocks, de gammes, de capacité de réponse, de rapidité de mise en œuvre et de livraison. La souplesse et la réactivité sont, pour nous, des moteurs essentiels. L’autre, c’est celui du respect de nos valeurs et de notre histoire. Nous sommes une entreprise familiale indépendante pour qui les notions d’humanité, de solidarité et de responsabilité ne sont pas de vains mots. C’est justement ce qui nous permet de cultiver cette souplesse. Sans vouloir paraître provocateur, chez nous, il n’y a pas de turn-over : les gens restent. Certains, embauchés dès leur BTS en poche, sont toujours là, à cinquante ans… Et puis l’avenir, c’est aussi les jeunes. Dans un territoire où le taux de chômage est très bas, nous faisons face à un vrai problème de recrutement. Forts de ce constat, nous avons décidé, avec quatre industriels de la région, de créer une école de production dédiée aux métiers de la métallurgie, la Métallik Vallée Sud Mayenne*, destinée à ces jeunes de 15 ans qui décrochent du système scolaire. C’est une formation diplômante, professionnalisante et citoyenne, qui propose un enseignement technique et général, basé sur le « faire pour apprendre ». Nos élèves passent ainsi plus de temps en atelier sur les machines que devant le tableau noir, qui est, par ailleurs, un équipement informatique dernier cri ! L’école a effectué sa première rentrée avec une promo de douze élèves en septembre dernier. C’est un très beau projet qui me tient vraiment à cœur. En aidant ceux qui en ont besoin et qui sont volontaires, en respectant ces jeunes, je pense qu’on peut les emmener très loin dans un projet professionnel. Dans nos industries, nous sommes nombreux à constater et déplorer le manque de main-d’œuvre, le déficit de qualifications, les délocalisations… Nous avons donc décidé d’agir en créant cette école. Le chemin est parfois compliqué, mais quelle satisfaction lorsque sortiront nos premiers diplômés !

* Pour en savoir plus : https://www.ecoles-de-production.com/ecoles/metallik-vallee

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