EMMANUEL DE LAAGE
Donner un nouvel élan à l’industrie française de la construction métallique
Président du Syndicat de la construction métallique de France (SCMF) depuis décembre 2024, Emmanuel de Laage, également vice-président de Fayat Métal, s’attache avec la nouvelle équipe du syndicat à renforcer la représentation et la visibilité de la fi lière, à clarifi er son organisation et à promouvoir les atouts de la construction métallique dans un contexte économique et environnemental exigeant. Son credo : défendre et valoriser le rôle central de l’acier dans une construction durable et circulaire.

Quel est votre parcours ?
Je ne viens pas d’un parcours d’ingénieur, mais de l’industrie. Après une école de commerce et un MBA (Master of Business Administration) aux États-Unis, j’ai débuté ma carrière chez Thomson-CSF, aujourd’hui Thales, dans les opérations financières. Rapidement, j’ai ressenti le besoin de m’ancrer dans une activité plus concrète. En 1993, j’ai rejoint Marrel, un industriel du BTP, où j’ai passé dix ans à différents postes, de la direction financière à la direction générale du réseau de distribution. C’est une période très formatrice, au contact du terrain et des clients. J’ai intégré le groupe Fayat en 2003 pour diriger les Ateliers de la Chainette (ADC), spécialisé dans les ponts roulants. Mon périmètre s’est élargi avec la prise en charge d’autres entités comme COMETE (nucléaire), des acquisitions à l’étranger (notamment en Turquie), puis la direction de Joseph Paris. En 2014, je deviens directeur général de Fayat Métal, puis vice-président en 2018, avec la responsabilité des activités de levage et de construction métallique. Ces vingt années au sein du groupe Fayat m’ont donné une vision globale de la filière, de ses atouts comme de ses défis.
Pourquoi avoir accepté la présidence du SCMF ?
Pour être tout à fait franc, ma candidature est née d’un concours de circonstances. Et après avoir échangé avec des adhérents au SCMF, j’ai souhaité succéder à Roger Briand, après quatorze années d’un engagement remarquable. Jusqu’alors, j’étais un membre du conseil d’administration. Mais j’ai porté un sujet majeur pour le syndicat : la création de l’éco-organisme Valobat, dans le cadre de la filière REP produits et matériaux de construction du bâtiment (PMCB). J’y ai défendu les spécificités du métal, seul matériau dont le déchet a une valeur positive. Cet engagement a été déclencheur : j’ai pris conscience de la nécessité de faire entendre la voix de notre profession et d’apporter une contribution plus active à sa représentation collective. La conjoncture et l’attente des adhérents d’un « nouvel élan » ont aussi joué. Mon élection en décembre 2024 s’est accompagnée de l’arrivée d’un nouveau secrétaire général, Hervé Gastaud, et d’une équipe renouvelée. Nous partageons une ambition commune : renforcer la cohésion et la visibilité du SCMF dans un environnement en mutation.
Justement, le SCMF vient de lancer un ambitieux projet stratégique 2025-2028 « France Métallique ». Quelle est sa feuille de route ?
Elle repose sur quatre grands axes. Le premier vise à renforcer l’influence et la visibilité de la filière. Nous devons améliorer notre lobbying, encore trop modeste comparé à d’autres matériaux. Il s’agit de défendre nos positions auprès des pouvoirs publics, de promouvoir l’acier européen et les entreprises de transformation locales, tout en anticipant les risques d’une concurrence internationale déloyale, notamment chinoise. Le deuxième axe concerne le développement des services aux adhérents et l’ancrage territorial. Le SCMF doit être utile au quotidien, notamment pour les petites et moyennes entreprises : groupements d’achat, appui juridique, contrats types, formations… L’objectif est d’offrir un véritable retour sur investissement à l’adhésion syndicale. Le troisième axe consiste à clarifier et fluidifier l’écosystème de la construction métallique. Aujourd’hui, le paysage est trop complexe : SCMF, CTICM, Maison de la Construction Métallique, Union des métalliers, Qualibat, ConstruirAcier… Il faut rendre cette organisation plus agile et plus lisible, plus complémentaire et garantir l’efficacité de chaque euro de cotisation. Enfin, le quatrième axe prépare un repositionnement stratégique du syndicat. À l’approche des 140 ans du SCMF en 2026, nous voulons sortir d’un certain isolationnisme pour renouer avec nos partenaires naturels de la construction, comme la Fédération française du bâtiment (FFB), la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), l’Union des industries et métiers de la métallurgie (IUMM), l’Association des industries de produits de construction (AIMCC), la FIM-MECALIANS et dernièrement avec la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). L’ambition est claire : replacer l’industrie française de la construction métallique au cœur du monde du bâtiment et des infrastructures.
Comment percevez-vous l’avenir de la construction métallique ?
La filière traverse une période complexe, marquée par des concurrences multiples. Sur le plan des matériaux, le bois bénéficie d’un soutien politique important, parfois disproportionné. Sur le plan international, la menace d’une arrivée massive de charpentes métalliques fabriquées et montées par des entreprises chinoises est bien réelle. Ces pratiques remettraient en cause l’équilibre économique de nos entreprises. Face à cela, nous devons rappeler sans relâche les atouts de l’acier : un matériau recyclable à l’infini, porteur d’une filière vertueuse, circulaire et locale. Sa transformation et sa mise en œuvre créent de la valeur et de l’emploi en France. Notre discours n’est pas opposé à celui des autres matériaux : nous prônons la mixité constructive, avec « le bon matériau au bon endroit ». Malgré les tensions conjoncturelles et le manque de visibilité des marchés, certains secteurs offrent des perspectives très encourageantes. Le nucléaire, avec la relance du programme EPR, nécessite une modernisation complète de la chaîne industrielle. Le secteur de la défense, de son côté, mobilise fortement les compétences métalliques, notamment avec le programme du futur porte-avions. Ces projets représentent des gisements d’activité considérables pour nos entreprises.
Quel(s) message(s) souhaitez-vous adresser à la profession ?
La construction métallique a toujours été une filière d’innovation et de rigueur technique. Mais pour peser davantage, elle doit aujourd’hui parler d’une seule voix, affirmer sa contribution au développement durable, et valoriser son ancrage territorial. Notre mission au SCMF est de défendre les intérêts collectifs tout en accompagnant la transition écologique et économique de nos entreprises. À travers « France Métallique », nous voulons fédérer les énergies, renforcer les liens entre acteurs, et donner à la filière la reconnaissance qu’elle mérite dans le paysage de la construction française.

