COUVERTURE DE LA COUR
DE L’INTENDANT DE L’HÔTEL DE LA MARINE

Lustre de cour

Facettée comme un diamant taillé, la géométrie de la verrière naît de la superposition de différentes couches structurelles. Photo : Michel Denancé
« Un morceau de ciel étanche culminant à 19,50 m au-dessus de la cour. » Photo : Michel Denancé

L’ancien Garde-Meuble royal de la Couronne, devenu ministère de la Marine, se réinvente en musée de l’architecture et des arts décoratifs du Grand Siècle dont il constitue un des chefs-d’oeuvre. Pour accueillir le public, la cour de l’Intendant s’abrite désormais des intempéries sous une fascinante verrière conçue par Hugh Dutton. 

UNE PRESTIGIEUSE COMMANDE… RENOUVELÉE 

En 1758, Ange-Jacques Gabriel érige les façades des deux palais de la place Louis XV – actuelle place de la Concorde –, celui hébergeant le Garde-Meuble de la Couronne et l’appartement de l’intendant du Roi n’étant achevé qu’en 1765. Pillé à la Révolution, il accueille dès lors le ministère de la Marine jusqu’en 2015. 

Le sort du bâtiment échoie au Centre des monuments nationaux qui charge Christophe Bottineau – architecte en chef des monuments historiques – d’en restaurer les façades, toitures et menuiseries du 18e siècle. Une fois leurs dispositions et exceptionnels décors d’origine restitués (pas moins de 70 %), ses espaces intérieurs seront remeublés pour offrir aux Parisiens et touristes une prestigieuse redécouverte des arts de vivre à la française (18e et 19e siècles). 

En charge de la « couverture » de la cour de l’Intendant, l’architecte et ingénieur d’origine britannique Hugh Dutton (ancien associé de RFR) se souvient de sa première visite de repérage : « J’ai très vite compris que le sujet de la lumière y était fondamental. Les modifications du bâtiment, notamment le rehaussement des façades sur cour au 19e, ont complètement changé les rapports d’échelle et à la lumière. Probablement omniprésent originellement, le soleil n’y entre que très peu depuis. Par ailleurs, j’avais été frappé par les lustres du salon d’honneur. » Et Christophe Bottineau de préciser que « dans un lustre à cristaux, les pampilles ont avant tout un rôle fonctionnel plus que décoratif : elles démultiplient la lumière qu’elles renvoient dans la pièce. Avec Hugh, nous sommes donc partis de cette idée du cristal dans la forme et dans l’usage de cette verrière. S’est ainsi dessiné à quatre mains un losange fixé à la corniche avec un vide central. Nous avons observé comment les joailliers taillent leurs cristaux pour imaginer un objet sculptural en trois dimensions ». Pour eux deux, « il ne s’agissait surtout pas d’en faire une pièce (de type atrium, NDLR) ! ». 

UN MORCEAU DE CIEL ÉTANCHE 

Pour ce faire, ils ont imaginé « un morceau de ciel étanche, culminant à 19,50 m au-dessus de la cour ». Donner l’illusion d’un nuage cristallin en suspension connecté aux cieux relevait du défi technique : « accrocher » un losange de 70 t à une poutre périmétrique fixée à la base des surélévations du 19e siècle. 

« La forme participe de cette recherche de légèreté. Composée de verre calepiné sur un plan triangulaire, la verrière supérieure s’adapte à la géométrie de la cour. Quatre triangles aux arêtes transparentes s’élèvent vers le centre sans que leurs sommets ne se rejoignent afin de ménager un vide central, espace de contemplation céleste. En partie inférieure, des lamelles de verre dépolies rayonnent sous la verrière vers cet oculus central » en forme d’étoile à quatre branches. 

Facettée à la façon d’un diamant taillé, la géométrie de la verrière naît de la superposition de diverses couches structurelles. Supportée par une résille tridimensionnelle de câbles et tirants, une structure aux allures de pyramide aplatie – réalisée à partir de plats en acier – dessine des losanges dont la maille se densifie par subdivision fractale en se rapprochant des façades afin d’estomper la perception des étages ajoutés au 19e siècle. 

Suspendues à cette dernière suivant une trame rayonnante, des lamelles radiales à la fois translucides et réfléchissantes – une âme réfléchissante en sandwich entre deux lames de verre dépoli – créent une pyramide inversée aux déroutants effets kaléidoscopiques tout en filtrant la lumière sans pour autant diminuer la luminosité. 

UN PIÈGE À LUMIÈRE 

Mais ce qui surprend le plus, c’est la luminosité naturelle dont jouit dorénavant, même par temps couvert, cette cour jadis si sombre. Des miroirs ont été positionnés en bandeaux au-dessus des linteaux des baies du dernier étage sur trois côtés, au-dessus de la verrière, en verre simple extra blanc avec couche réfléchissante, selon une étude préalable de réflexivité ayant permis d’optimiser leur angle d’inclinaison. L’habillage en V en inox poli miroir de la structure acier maximise les surfaces réfléchissantes et permet de dévier, l’hiver, une partie des rayons solaires jusqu’au sol de la cour. En revanche, les rayons lumineux estivaux ayant une incidence proche de la verticale, la verrière a la capacité de filtrer cette lumière éblouissante pour la rendre plus diffuse. Un système d’extraction veille à l’évacuation de l’air chaud pour éviter les surchauffes estivales, tandis que des isolants acoustiques intégrés modèrent le niveau sonore de ce volume encaissé et désormais clos. 

Dimensions verrière : 20 x 15 m
Poids verrière : 70 t (35 t charpente acier + 8 t habillage inox + 16 t vitrage + 11 t lamelles vitrées)
Chantier : mi-août 2019 à janvier 2020 ; livraison : février 2020 

Maître d’ouvrage : Centre des monuments nationaux
Architectes : Christophe Bottineau et Hugh Dutton (Laya Hermelin, chef de projet)
BET structure et luminosité : Hugh Dutton (Rafael Silveira & Riccardo Perna)
Entreprise : Eiffage Métal 

Schéma abstrait sans soleil. Doc. : HDA
Photo : Michel Denancé
Photo : Michel Denancé
Schéma de réflexion. Doc. : HDA
Doc. : HDA
Doc. : HDA
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