BORDEAUX, REMIS À FLOT

Photo : Myr Muratet

Le site des anciens Bassins à flot bordelais avec sa mythique base sous-marine a fait l’objet d’un projet urbain de 162 ha quasiment achevé dans sa partie Bacalan (au nord-est) et bientôt en voie de l’être côté Chartrons (au sud-ouest). Ce ne seront pas moins de 700 000 m2 de nouvelles surfaces qui y auront été construites dont 5 400 logements, 240 000 m2 dédiés aux activités économiques et 70 000 m2 consacrés aux commerces, au tertiaire et au nautisme. Nicolas Michelin, son urbaniste en chef, a veillé à ce que ce nouveau quartier conserve son identité portuaire et en cultive l’imaginaire. Si la Cité internationale du vin impose sa volute contemporaine à l’entrée des bassins depuis la Gironde, l’écluse la commandant subsiste tout comme la base sous-marine (reconvertie en musée numérique) et quelques grues ou silos – dont ceux « signalant » aujourd’hui l’hôtel Renaissance. En effet, il ne s’agissait pas de n’y transplanter que de nouveaux logements et bureaux faisant jusqu’alors défaut à la cité bordelaise, mais bien de requalifier ce site atypique pour en faire un lieu de destination offrant un maximum d’aménités. Sur le quai des Caps longeant le bassin n° 2 abritant un port de plaisance, Pitch Promotion, associé à Fayat Immobilier, urbanise les îlots P9 et P11. Le premier héberge quatre opérations distinctes entre les places Pertuis et Latule, à savoir un multiplexe de cinémas avec commerces par Hardel et Le Bihan, des bureaux avec commerces par Chartier-Dalix et un parking-silo de 424 places avec commerces par Ferrier Marchetti ; le second îlot accueillant, quant à lui, un hôtel de 124 chambres et une résidence hôtelière confiés aux agences Moon Safari et Marjan Hessamfar & Joe Vérons.

Sur le quai des Caps longeant le bassin n° 2, un premier îlot héberge notamment un multiplexe de cinémas avec commerces conçu par Hardel et Le Bihan… Photo : Nicolas Trouillard
… et un parking silo de 424 places imaginé par Ferrier Marchetti. Photo : Myr Muratet

Multiplexe de cinéma et commerces Faire son cinéma

Le cinéma s’étend entre le quai et la rue Lucien-Faure sur deux îlots d’environ 80 m de longueur sur 45 m de largeur, séparés par une sente piétonne couverte. Photos : Nicolas Trouillard

Entre la rue Lucien-Faure et le quai des Caps, UGC développe treize salles de cinéma – accueillant 2 394 places – sur deux îlots de 80 x 45 m séparés par une sente piétonne couverte et reliés par une passerelle au niveau du premier étage. En dialogue avec son environnement « typé », la morpho­logie du bâtiment, le jeu de ses toitures évoquant celles des anciens hangars tout comme son organisation spatiale exploitent les atouts du site aux fins d’augmenter sa qualité d’usage et son bilan énergétique. Son gabarit (16 m au faîtage) ménage la vue sur les bassins à l’égard des occupants des programmes implantés de l’autre côté de la rue. Cette même vue, mais en « premier jour », est néanmoins magnifiée pour les clients du multiplexe grâce à la vaste verrière sous laquelle se déploie le hall ainsi qu’aux deux terrasses et à la passerelle vitrée éclairant la rue desservant à l’étage les salles. Les deux plus grandes investissent sur double hauteur chacune des extrémités ouest des deux volumes. Sous les petites et moyennes, le rez-de-chaussée a pu être affecté à des commerces (4 724 m2) animant le quai sur toute la longueur de l’édifice.

Doc. : Hardel Le Bihan Architectes

PARTITION ARCHITEC « TONIQUE »

Mathurin Hardel et Cyrille Le Bihan ont imaginé quatre sheds – de largeurs adaptées à la contenance des salles qu’ils hébergent – à double pente pour chacun des îlots auxquels s’ajoute celui partiellement dématérialisé de la couverture de la sente. Ils y ont décliné un subtil vocabulaire – volontairement restreint – de matériaux et finitions afin qu’aucun des volumes n’offre une façade identique. Côté rue, les pignons jouent avec une galerie vitrée à rez-de-chaussée surmontée d’un bandeau en cassettes de métal perforé de couleur mastic que couronnent des panneaux de béton lasuré auto­portants, coulés sur place alternant un léger redan. Une grande verrière finement charpentée en acier s’insère à l’angle de la place Pertuis pour abriter le hall d’accueil du multiplexe. La charpente métallique supportant la couverture de verre de la sente vient y aligner sa ferme frontale. Côté quai, les terrasses de l’étage évident la silhouette générale, les redans des panneaux béton se décalent d’un niveau à l’autre, tandis que s’étirent presque tout du long les façades rideaux à menuiserie aluminium des commerces mitoyens. Leurs enseignes sont programmées sur le bandeau métallique filant au-dessus du caisson en tôle d’acier plié (inter­posé entre) où s’enroule la banne de leurs stores.

La forme de l’ensemble s’inspire de l’architecture portuaire et des hangars industriels qui ont fait l’histoire du lieu. Photo : Nicolas Trouillard

UN ÉDIFICE BIEN CHARPENTÉ

L’ensemble des charpentes est réalisé en acier, seules celles du hall et de la couverture de la sente piétons sont restées apparentes. Portée par des poteaux-tubes carrés, celle de la verrière révèle l’élégante et aérienne combinaison des HEA, IPE, tubes et câbles la composant. Elle intègre, en sous-face ou à l’arrière des vitrages, des protections solaires permettant de réguler l’ensoleillement, les excès thermiques
hivernaux ou estivaux, le confort acoustique… Mise au point avec Studio Briand & Berthereau, la signalétique intérieure s’inspire des bandeaux lumineux sur le fronton des cinémas américains. Deux portails accordéons en caillebotis obturent le passage piéton en dehors des horaires d’ouverture du multiplexe.

Photo : Pierre-Édouard Defretin/UGC
  • Maîtrise d’ouvrage : Pitch Promotion, Fayat Immobilier
  • Maîtrise d’œuvre : Hardel Le Bihan Architectes
  • MOEX : MOX
  • BET structure : Ingérop
  • Charpente : OMS

Parking-silo et commerces

Plus qu’un parking

Une écriture fondée sur le travail mené par l’agence sur le thème de la beauté des constructions utiles.

La bonne desserte des Bassins à flot en transports en commun1 depuis les deux rives ne les dispense pas pour autant de prévoir – à l’attention des utilisateurs et usagers des bureaux et activités de loisirs ou encore des clients des hôtels – des parkings dont celui en silo de l’îlot P9 accueillant 424 véhicules. Évitant la banalité d’une boîte à voitures, il assume son rôle et son échelle d’ouvrage d’infrastructure. Pauline Marchetti et Jacques Ferrier ont conçu un bâtiment certes efficace, mais aussi remarquable dont « la force et la simplicité fusionnent avec un jeu graphique de rampes minérales et de signalétique colorée ».

Une structure métallique réduite à l’expression de son efficacité, un béton laissé brut et des panneaux de toiture perforés…
… pour une ambiance simple et robuste souhaitée par ses architectes.

ESTHÉTIQUE DE L’UTILE

« L’écriture de ce parking s’inscrit dans le travail que mène l’agence depuis toujours sur le thème de la beauté
des constructions utiles. Structure métallique réduite à l’expression de son efficacité, variations subtiles des motifs imprimés sur le béton laissé brut, panneaux de toitures perforés se conjuguent pour créer une ambiance simple et robuste convenant à ce programme. » Ce dernier prévoyait 900 m2 de surfaces commerciales sur le quai. Les architectes ont proposé un loft modulable susceptible de fonctionner comme un tiers-lieu dont l’exposition inaugurale de street art (art urbain) organisé par le Rado2 a démontré le potentiel. Mais ils ont souhaité affecter cette mutabilité (éphémère) aux deux plateaux de stationnement situés au-dessus. En effet, ils ont retenu un projet structuré par demi-plateaux – cinq du côté rue, deux du côté quai – permettant de rendre indépendants ces deux derniers traités en balcons au-dessus des commerces afin de pouvoir y organiser des évènements éphémères. Cette dichotomie fonctionnelle a donc engendré une architecture bicéphale. La structure en quinconce en béton banché de la partie purement parking porte une charpente métallique à laquelle sont suspendus des panneaux en tôle d’acier galvanisé prélaqué deux faces perforés (à 50 %) faisant office de brise-soleil. La rive est revêtue d’une tôle d’aluminium prélaquée. Sur les quais, la charpente est équipée en sous-face et en rive d’un bardage (type ST 600 finition inox 304 recuit brillant) reposant sur des poteaux de type HEA avec bracons en acier galvanisé. Cette sous-face miroir capte simultanément les reflets des passants et les scintillements de l’eau du bassin ainsi que les mouvements à l’inté­rieur du parking. Le bâtiment entre ainsi en résonance avec le bassin, les constructions voisines, les automobilistes et les promeneurs !

La charpente est équipée en sous-face et en rive d’un bardage en inox qui capte reflets des passants et scintillement de l’eau du bassin.
  • Maîtrise d’ouvrage : Fayat Immobilier
  • Architectes : Ferrier Marchetti Studio
  • BET + MOEX : Arcadis
  • Charpente et menuiseries extérieures : Cancé
  • Photos : Myr Muratet
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