Rénovation de la gare de Lyon, Paris

De nouveaux accès, des circulations refondues, des espaces agrandis et plus de 4400 m2 de verrières créés… : la gare de Lyon fait peau neuve pour accueillir plus de 10 millions de voyageurs supplémentaires d’ici 2020.
Une gare en perpétuelle évolution

Depuis sa création en 1849, avec l’ouverture au public de l’embarcadère pour Lyon, la gare de Lyon à Paris n’a cessé d’évoluer pour s’adapter aux exigences des nouveaux modes de déplacements et à l’augmentation toujours croissante du nombre de voyageurs transitant sur ses quais. C’est aujourd’hui la gare la plus fréquentée de France avec un train partant ou arrivant toutes les 2 minutes et 95 millions de voyageurs chaque année, dont 35 millions pour le seul réseau grandes lignes. Première gare à accueillir le TGV en 1980 avec l’ouverture de la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, elle doit faire face, à l’aube du XXIe siècle, à de nouveaux défis. Dans un contexte de saturation actuelle de la gare, Gares et Connexions table sur 10 millions de passagers « grandes lignes » supplémentaires d’ici 2020 avec l’ouverture de la LGV Paris-Rhin-Rhône en décembre 2011. Une restructuration majeure s’imposait : débutée il y a 2 ans, elle a été terminée juste à temps pour le pic de trafic des vacances d’hiver.
En tête des préoccupations soulevées par le projet, il y a la volonté d’améliorer la lisibilité des cheminements complexes dans une gare à l’intermodalité très prononcée, servie par 2 lignes de RER, 2 lignes de métro, 10 lignes de bus, 14 lignes de bus Noctilien et 3 parkings souterrains offrant 3175 places de stationnement. Il y a aussi et surtout la nécessité d’agrandir l’espace permettant d’accéder aux voies « à chiffres », celles de la plate-forme jaune complètement engorgée les jours de grands départs, et même de moins grands… Cela passe pour Arep par la création d’un véritable second hall pour l’accueil des voyageurs dans une transformation complète de la plate-forme jaune. Lors d’un précédent réaménagement mené en 2001, la plate-forme bleue (voies à lettres) avait déjà été agrandie en gagnant de l’espace sur les voies. Cela n’était pas possible du côté de la plate-forme jaune, par manque de terrain pour rallonger les quais à l’autre extrémité.
Quelque 840 m2 de foncier nécessaires au projet ont donc été trouvés par la démolition d’un bâtiment jouxtant la salle des fresques. Et l’aménagement de la surface de l’esplanade en surplomb de la place Fresnay offre 2000 m2 supplémentaires pour le déploiement d’accès et de services aux usagers. Venant couvrir ces espaces, deux grandes verrières ont été crées dans la tradition des serres botaniques du XIXe siècle, en écho à la verrière de la halle à chiffres, elle-même entièrement rénovée. Enfin, les circulations verticales entre le niveau des quais et la salle Méditerranée ont été complètement réorganisées avec la création d’une faille accueillant une grande rampe d’accès dont la réalisation relève de l’ouvrage d’art.

Conception des halles contemporaines : continuité, évolution ou rupture ?

La conception des nouvelles halles ne pouvait s’affranchir du patrimoine architectural des gares ferroviaires du XIXe siècle, véritables figures de proue du développement des structures métalliques. Ainsi, comme l’explique Emmanuel Livadiotti du bureau d’études MaP3, le projet peut se lire comme une triple réponse au questionnement de l’expression contemporaine au regard du contexte historique, tout à la fois continuité, progression et rupture.

Continuité…

Inscrite à l’inventaire des monuments historiques, la halle à chiffres n’a connu aucune transformation majeure depuis 1927 touchant à sa géométrie ou ses matériaux, seule sa couleur est passée du noir au vert. Le très bon état des structures en place a permis de limiter la remise à neuf à un nettoyage complet de la verrière et au remplacement d’1/3 des vitrages armés et de l’ensemble des garde-corps de la toiture. La charpente métallique a été entièrement repeinte en blanc, à l’unisson des nouvelles structures ; mais c’est dans le profil des voutes et dans le principe de sous-tension des structures porteuses que s’exprime le plus nettement la continuité voulue avec la géométrie de l’ancienne verrière portée par des fermes de type Polonceau. Dans le même esprit de continuité, les poutres de rive en acier sont conçues pour servir aussi de chéneaux comme c’était déjà le cas pour la halle à chiffres.

… Progression…

Si certains éléments de la structure ont pu être conçus en parfaite adéquation avec la halle du XIXe siècle, pour d’autres une évolution s’est imposée due à la progression des matériaux comme des méthodes de mise en œuvre. Il en est ainsi de la trame définissant les modules de verre en couverture. Pour la halle historique, il s’agit de modules de verre armé de 40 à 60 cm de large ; les qualités du verre feuilleté utilisé aujourd’hui permettent de mettre en œuvre des modules de 125 cm. Il n’est donc pas question de reproduire la trame de la halle historique, mais plutôt la manière de la définir dans la recherche d’un compromis entre les capacités du matériau et l’économie du projet. Pour la conception de la structure primaire, la volonté architecturale était de réaliser comme à l’origine une structure monolithique en recomposant les éléments structurels par association de profilés « basiques » assurant une transition entre l’échelle humaine et l’échelle de l’ouvrage. Le résultat offre une image bien différente du modèle car la soudure a remplacé le rivetage et les cornières et plats ont laissé la place à des ronds pleins, tôles pliées et profilés en H, permettant une expression architecturale bien plus fine et précise dans les ouvrages nouveaux.

… Rupture

La véritable rupture s’opère dans les méthodes de calcul qui déterminent l’analyse structurelle de l’ouvrage. Les outils numériques d’aujourd’hui permettent une conception en résille bidimensionnelle de l’ensemble de la structure porteuse, quand la halle du XIXe siècle était conçue en charpente avec hiérarchisation des éléments porteurs principaux et secondaires, fermes et pannes. Dans ce fonctionnement en résille, les poussées des arcs sont reprises par une poutre périphérique constituée par un maillage de tirants et butons faisant participer les éléments de structure secondaire à la stabilité générale. Les moyens de calcul moderne ont aussi permis une approche précise du flambement d’ensemble. Les efforts dans les barres ainsi que la sous-tension des voutes en ont été optimisés, autorisant une très grande finesse des éléments de verrière telle que voulue par le projet. Ainsi les arcs formant les voutes sont extrêmement élancés : les plus longs réalisés en HEB 200 portent sur 19,40m ; pour les moins sollicités, des HEA 160 suffisent.

Fabrication et mise en œuvre : un chantier tout en finesse

Deux verrières sont ainsi créées. La plus petite des deux, dite halle A, vient s’insérer entre la halle à chiffres réhabilitée et la salle des fresques en lieu et place d’un ancien bâtiment existant. Proposant une surface en plan de 15m par 56m, elle s’élève à 12m de hauteur et ses ossatures principales représentent un total de 45 tonnes d’acier, soit 2500h de fabrication et un montage étalé sur 3 mois. La halle B accueillant la plus grande des verrières a pour dimensions 35m X 60m en plan et 19m de hauteur. Les 170 tonnes d’acier utilisées pour réaliser la charpente ont nécessité quant à elles 900h de travail en atelier. Toutes les ossatures bénéficient d’une protection anti-corrosion par système de peinture ACQPA assurant une garantie de 7 ans.

Une poutre mécano-soudée complexe

Comme le souligne Eric Lesueur, chef de projet chez Gagne Constructions Métalliques, la pièce la plus complexe à réaliser a été la fameuse poutre sablière formant chéneau. Le principe de son dessin et de sa fabrication est le même pour les 2 halles : elle est réalisée par assemblages de tôles pliées, ronds pleins et tubes mécano-soudés. La grande finesse des éléments a nécessité une maitrise particulièrement aigue des déformations lors des opérations de soudage en atelier, mais aussi en prévision des séquences d’assemblages par joints soudés à réaliser sur chantier. Un montage à blanc réalisé à l’usine a permis de contrôler parfaitement les accostages et de régler les contre-flèches.

Des joints soudés sur chantier

Sur le chantier, l’ensemble des éléments a été monté à la grue. Prescription architecturale oblige, les nœuds d’assemblage des ossatures ont été soudés en place, présentant un total de 120 joints soudés pour la grande verrière et 36 pour la petite. Le planning très strict imposé par le projet a conduit à étayer la poutre faitière et les poutres sablières afin de pouvoir monter et régler la charpente en s’affranchissant de l’avancement des opérations de soudure qui ont toutes été contrôlées par ultra-sons.

Adaptation à l’existant

Une autre difficulté rencontrée concerne la construction de la halle A pour laquelle l’interaction avec l’existant a exigé des adaptations structurelles en cours d’études. La démolition du bâtiment dont elle vient prendre la place a révélé des insuffisances de portance des appuis prévues initialement et réalisés par des consoles ancrées dans l’ouvrage mitoyen. Il a donc fallu déplacer certains de ces appuis de l’extrémité des sablières vers le centre de leur portée, imposant des renforts quasiment en temps réel et une redistribution complète des efforts dans la structure bidimensionnelle, certains tirants passant de 3 nœuds à 5 pour préserver avant tout la finesse de la géométrie des verrières.

Une rampe pour réorganiser les circulations verticales

Des vitrages haute-performance pour un confort maximal sous les verrières

Dans la longue trémie ou « faille » implantée entre la salle Méditerranée et la halle à chiffres réhabilitée vient se loger une grande rampe d’accès qui draine le flux des voyageurs vers les nouveaux espaces d’accueil. Pour sa conception, l’enjeu était de concilier la finesse de l’ouvrage imposée en particulier par les gabarits de passage tout en limitant la fréquence de l’ouvrage à 2,6Hz, critère de confort édicté par le Setra. Longue de 56m, la rampe est réalisée en 10 tronçons de poutres PRS et caissons de 50cm de haut. La mise en œuvre de ce véritable ouvrage d’art de 35t a été particulièrement délicate en raison dans un site en activité et une emprise de chantier très réduite. La portée de la grue a limité le poids des pièces à 4 tonnes, multipliant les opérations d’assemblages. Pour des raisons de sécurité, les plus grosses pièces ont été levées de nuit durant la fermeture de la gare.

Les ossatures métalliques des deux halles supportent des vitrages conçus pour procurer une très grande luminosité tout en bénéficiant d’un confort thermique optimal, en hiver comme en été. Côté halle A, 1050 m2 de verrière sont réalisés à l’aide de 588 panneaux de verre de 1,62m par 1,23m pesant chacun 70kg. Pour la halle B, la toiture représente 2500 m2 de surface vitrée réalisée par 725 modules dont les plus grands font 1,23m par 3,39m pour un poids unitaire de 150kg. Trois façades de cet ouvrage sont également vitrées, représentant une surface de 1300 m2 et 117 panneaux de 2,50m par 4,125m pesant chacun 360kg. Les panneaux de verre sont fixés en tuilage sur les chevrons grâce à un système de parecloses clipsées. Les vitrages mis en œuvre sont des double-vitrage feuilletés 6.8.2 autonettoyant en face extérieure pour la facilité d’entretien et l’économie qui en résulte sur la maintenance. En toiture, ils sont complétés d’une couche de SKN 165 disposée sur la face intérieure du verre extérieur et améliorant de façon significative le contrôle solaire et l’isolation thermique. Seul le pan de toiture côté place Fresnay orienté au nord bénéficie d’un film XIR 72,41 entre les 2 vitrages complétés d’une couche basse émissivité en face intérieure. Pour les façades, la même couche basse émissivité en face intérieure assure le confort tout en optimisant les apports lumineux. Enfin, des brise-soleil acoustiques en peuplier viennent équiper le versant sud de la toiture de la halle A, évitant la casse thermique des vitrages et améliorant encore le confort des usagers.

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