Aéroville, aéroport de Roissy-CDG

Couverte d’une charpente métallique, la rue intérieure qui innerve Aéroville conduit les visiteurs à travers dix hectares de bâtiments contenus derrière une façade métallique doublée de vitrages sérigraphiés.

Après avoir investi les aérogares, la fonction commerciale s’installe dans ses propres murs afin de profiter de la convergence des réseaux et des facilités de desserte offertes par les zones aéroportuaires. Elle fait ainsi le pari d’une clientèle élargie à la métropole. Implanté sur les terres d’Aéroports de Paris, le centre de commerces et de loisirs baptisé “Aéroville” entend profiter de l’importance économique de la plateforme de Roissy (60 millions de passagers / an) et de l’attirance prêtée à ces lieux pour toucher un vaste public. L’investisseur cible en premier rang les 120 000 employés de la zone, puis les habitants des communes limitrophes du 9-3 et du 9-5, et au-delà les populations de l’Oise et de la Picardie. On a donc vu grand pour ce centre commercial en gestation depuis dix ans avec une emprise foncière de onze hectares et un total de 4 700 places de parking, outre la desserte locale réorganisée en conséquence. A cheval sur les communes de Roissy et de Tremblay-en-France, le bâtiment épouse les contours du terrain en vue de la bretelle d’accès au Terminal 2 et contre la voie du RER B. Redéfini en 2010 sur de nouvelles bases en raison de la crise économique, le programme mis en œuvre se traduit par un bâtiment de plain-pied sur un sous-sol logistique. La taille du pro- gramme impose dès lors d’occuper tout le terrain et de loger en dessous le parking et les aires de livraison en profitant de la pente naturelle pour faciliter les accès. Quelque 3 000 places y sont trouvées, l’appoint se faisant en toiture du bâtiment et dans un silo attenant. La construction superposée au terrain accueille ainsi 200 commerces dont une grande surface alimentaire, des restaurants à hauteur de 25 enseignes et un multiplexe de 12 salles.

Un lanterneau axial pour fil conducteur

Comme l’exprime son intitulé, le centre commercial emprunte son imaginaire au monde du voyage autant qu’à la ville. Les rues et les places qui innervent la construction s’assortissent de lieux de convergence (les hubs) et d’excroissances (les plugs) inspirés de la typologie aéroportuaire. A ceci près que le parcours est ici totalement introverti, rien ne devant distraire le visiteur des vitrines alignées sur la rue intérieure qui décrit un grand huit de plus d’un kilomètre de long. Plus large et plus haut, le maillon central dans l’axe de l’entrée principale s’étoffe d’une place adjacente sous verrière qui réunit les enseignes de restauration sur le mode mondialisé du food court. En saillie au-dessus de l’entrée, un volume vitré offre une vue privilégiée sur les avions qui survolent le centre à basse altitude dans l’alignement des pistes. Hormis ce balcon, le contact avec l’extérieur passe par le ciel et tient à la lumière zénithale du lanterneau filant qui coiffe la rue intérieure et des coupoles qui ponctuent les places, les cinq plus grandes desservant le parking (les hubs). Large de 13 mètres et haute de 9 dans son gabarit courant, la rue est couverte d’une charpente métallique dont le pro- fil intègre les rampants de toiture surmontés du lanterneau et les retombées latérales occupées par les galeries techniques surlignant les vitrines. Destinée à être entièrement habillée, cette charpente économique qui aligne les fermes en série fait appel à des profilés standard assemblés par éclisses et goussets.

Des coupoles de verre à l’aplomb des places

Disposées en pleine lumière et bien en vue, les structures en arc surbaissé des coupoles et de la verrière du food court optent pour une triangulation optimale et de fins profilés tubulaires spécialement dessinés pour recevoir les vitrages acoustiques. Les deux grandes coupoles de l’entrée et de la pointe nord du bâtiment atteignent respectivement 16 et 20 mètres de diamètre pour ouvrir de vastes clairières dans le bâtiment. Totalisant 4 500 tonnes d’acier, ces superstructures métalliques reposent sur la structure poteaux-poutres en béton préfabriqué des deux niveaux des commerces et du parking. Les prédalles du système constructif sont remplacées par des planchers mixtes en bac acier et béton collaborant dans les parties de géométrie plus complexe rencontrées autour des places et dans les arrondis de la rue. Une même rationalisation poussée a présidé à la conception de tous ces ouvrages afin de répondre à l’impératif de célérité imposé par l’investisseur (26 mois de chantier).

Des ouvrages métalliques aux doublures esthétiques

Ainsi irriguée et éclairée, la nappe du bâtiment est découpée en secteurs dont les appellations imagées (“Africa lodge, Nordic chic, Tokyo mix”…) suggèrent un ersatz planétaire accessible au plus grand nombre. Aéroville est un monde en soi que l’isolation acoustique des verrières zénithales soustrait au contexte bruyant du site. Le généreux profil de la rue et l’ampleur des places procurent une indéniable urbanité à ces coulisses aéroportuaires qui peuvent rappeler les passages couverts du 19e siècle, sauf qu’elles ne débouchent pas sur la ville et tournent en rond sans rien relier. Les proportions en sont agréables et le doublage de la charpente métallique ne manque pas d’élégance par ses courbes habillées de staff en partie courante et de lattes de bois blond intégrant l’éclairage en partie centrale. Des bandeaux de métal déployé courent au-dessus des vitrines, donnant accès aux galeries tech- niques et dissimulant les reprises d’air. La disparité des enseignes juxtaposées et des décors rapportés s’en trouvent atténuée, comme lissée par ces prestations relevant de l’architecture. La qualité de ce lieu introverti tient à la clarté et à la fluidité de ses espaces intérieurs. Ce parcours lumineux se découvre derrière une façade uni- forme siglée de monogrammes sur tout le périmètre de l’opération. Développée sur environ 1 500 m de long, cette façade en ossature et bardage métalliques se pare de deux plans de vitrage sérigraphié lui conférant profondeur et mystère et s’agrémente de volumes en saillie rythmant son linéaire. De jour comme de nuit, un rétro-éclairage aidant, cet emballage sophistiqué fait oublier la trivialité de la boîte générique du centre commercial lambda.

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